Mons.r,
Je reçus l'autre jour celle qu'il vous a pleu m'escrire du 17 du mois passé,2 dont je vous ren[d]s très-humbles grâces. Je m'estonnois déjà de n'avoir point eu des nouvelles par delà, ayant escrit tant de foys depuis trois mois en deçà.
J'espère que vous aurez receu ma dernière,3 par laquelle je vous envoyay un récit de la deffaite du comte de Brouet4 et le plan du siège de Wolffenbuttel, qu'il nous a fallu abandonner avec la plus grande infamie du monde. Les ennemis ne cognoissent que trop l'advantage qu'ils ont sur nous et s'en sçavent bien prévaloir. Ce n'est pas que nous n'ayons aultant ou plus de monde qu'eux, mais ce qui est cause de tous les meaux qui sont arrivez, est la quantité des chefs par faulte d'un bon.
Lundy passé partirent d'icy Mons.r le comte d'Eberstein5 avec toute la cavallerie Hessienne, accompagné de Mess.rs Conigsmarck et Taupadel,6 menans chacun d'eux quinze eens chevaux des deux armées Suédoise et Françoise. Mais ayans eu nouvelles de la prinse de Dorsten, qu'ils pensèrent aller secourir, ils rebrous[s]èrent chemin et rentrèrent au camp hyer. Tout le monde regrette également cette perte, à cause d'une si bonne princesse7 et qui a déjà tant pâty l'année passée. Il n'y a rien à redire que cecy ne soit arrivé par la négligence de nos généraux, qui ne pouvoi[en]t que trop secourir la place, après qu'on s'estoit retranché de Wolffenbuttel.
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Nous sommes maintenant campez entre Hildesheim et Han[n]over, et les ennemis à deux heures de nous, lesquels ont [sic] croit avoir desseing de joindre Hatsfeld,8 pour puis après nous chasser tout à fait hors d'icy.
Je vous supplie très-humblement vouloir payer à celluy qui vous portera mon obligation9 les cent cincquante pistoles, qu'il m'a fallu emprunter peu à peu depuis que j'ay eu ma compagnie, de quoy il y a maintenant un an. Vous n'ignorez pas que dès lors il m'a fallu me mettre en équipage, et tout le monde sçait assez que depuis ce temps-là nous n'avons receu qu'un mois de gage. J'espère toutefois que m'estant mis en équipage, je feray de sorte que désormais je ne seray plus obligé de vous importuner. Au moins, Mons.r, je vous prie encor instam[m]ant ne me point refuser cette requeste, de plus parce que c'est un capitaine de nostre régiment qui m'a fait ce plaisir, afin que par là on n'aye mauvaise opinion de moy.
Je prie Dieu, monsieur, vous conserver en santé, et suis
vostre très-obéissant fils
D. de Groot.
Au camp de Saxstede, ce 17/27 Sept. 1641.
Adres: A Mons.r monsieur Grotius, ambassadeur pour la royne et couronne de Suède à Paris.
In dorso schreef Grotius: 27 Sept. 1641 D. de Groot.