2107. 1635 mei 17. Aan Rijngraaf Otto1.

Monsieur,

Vostre lettre de Straesbourg2, dont il vous a pleu m'honorer, m'a trouvé encore à Paris pour y achever encore quelques affaires qui m'estoient commis, mais tout prest pour aller trouver le roy3, qui est à Reims, et d'y recommander de la meilleure façon les affaires des amis de la couronne de Suède et principalement, monsieur, le vostre, à qui ie tiendray tousiours à grande félicité de pouvoir servir, comme ie dois par toute sorte d'obligations.

488

Je vous rends aussi mille grâces, monsieur, de ce qu'il vous plaist me faire la faveur de m'instruire de ce qui se passe en vos quartiers, et ne manqueray de mon costé de vous advertir de ce que ie pourrai apprendre des conseils et des succès de ce costé icy.

L'armée françoise de monsieur de Chastillon4 estant passé la Meuse s'estoit ietté dans le pays de Liège. On dit icy, que pour asteure elle est dans les terres de l'Espagnol5 et que le roy prépare un manifeste6 pour iustifier ses armes tant par d'autres raisons que par ce qu'en la personne de l'électeur de Trève7 sa protection a esté enfraincte et méprisée.

On tient l'armée du roy estre de vingt mille gens de pied, cinq ou six mille chevaux, quarante pièces d'artillerie. L'armée espagnolle est plus grande, mais aura à faire à l'armée françoise et à celle des Hollandois, qui est fort leste.

Du traitté de Pirne8 nous avons divers advis. Tous disent qu'il y a certain accrochement principalement pour ce que le duc de Bavière9 comme chef de la ligue prétend de demeurer armé pour le moins de vingt mille hommes et pour ce que l'empereur10 qui sera le iuge qui désidera les différents qui arriveront après le quarante ans. Mais aussi croit-on que le landgrave de Darmstadt11 travaille pour enlever ces difficultez.

Le comte de Salazar12, seigneur espagnol, est gardé icy par repressailles contre monsieur d'Aligre13, fils du chancelier de France, retenu en Espagne.

Le commerce entre les subjects de France et d'Espagne demeure suspendu, lettres surprinses de part et d'autre.

Un prebstre est mis à la bastille, nommé Tonnelier14, qui découvre une conspiration faicte contre la vie de monsieur le cardinal15.

On nous veut faire croire icy que monsieur De Créquy16 passera bientost dans l'Italie, ce que non seulement le duc de Mantoue17 et le prince de Parme18, mais aussi le duc de Savoye19 prendra le party françois.

Le duc de Rohan20 a dans la Valteline six mille gens de pied, 1400 chevaux, et les Grisons gardent par deux mille de leurs Steig, qui est le pas entre le Tirol et l'Engadias.

489

Les Espagnols ont prez du fort de Fuentes soubs Cervelloni21 six mille gens à pied, huict cens chevaux et attendent secours tant des Suisses romanistes que du duc de Toscane22.

Le pape23 dit n'estre armé que pour sa défense.

Le roy a rebroussé chemin de St. Quintyn et le croit-on avoir bientost à Chasteau-Tierry.

Je prie le bon Dieu, Monsieur, de vous protéger par sa puissance et combler de ses grâces.

A Paris, le 17. May 1635.

Vostre serviteur très
humble et très obéyssant.