Monsieur,
J'ay receu la vostre très favorable du 8 de May avec les endoses de son Ex.ce2 et toutes decys m'ont apporté gran contentement et plus le feront les vostres quand i'auray par vostre moyen la lettre du roy3 ou du cardinalduc4 estant les affaires de la Valteline en tel estat que sans l'aide des François ie ne sçaurai rien obtenir de ce que ie prétend d'y avoir.
En attendant donques ceste faveur de vostre cortesie ie me prépare peu à peu pour aller dans l'armée du duc de Rhuan5 selon l'ordre de son Ex.ce d'où ie ne manqueray de cultiver nostre amiti(é) par le commerce continuel de lettres, que
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d'oresenavant il vous plairera addresser au sieur docteur Gras6 à Lyon, mon affidé amy, qui me les faira tenir par promte addresse là, où ie seray, dont ie luy escris par cest ordinaire, l'informant de tout.Vos advis judicieux sur les occurences présentes et surtout de la personne de son Ex.ce sont vérifiés de tous costés, aussy bien que de la guerre du roy de France contre l'Espagnol7 provenant tous de vos quartiers, que la dénonciation d'icelle soit fait par des herauts d'armes8.
Tous les gens de bien certes s'en réjouissent et souhaittent que telles diversions soulagent la povre Allemagne de ce cruel ioug de la maison d'Austriche, qui s'en va recevoir le dernier coup de sa ruine par les très puissantes armes du roy de France, qui par son autorité poussera les autres estats à leur devoir afin que iointes viribus et consiliis coopèrent à réduire la chrestienté en une paix asseurée et durable à iamais.
Icy en Suisse on bat désià le tambour et lève-on aux despens du roy trois m. Suissez qui seront envoyés en peu de temps aux Grisons pour en renforcer l'armée du duc de Rhuan.
Tout le pays des Grisons aussy est en alarme. La lighe grise fournit 1500 hommes qui sont au passage de Steig, celle de Cady 2500 part de la lighe de la maison de Dieu, comme l'on appelle, se ramasse à Paina, outtre ceux qu'on lève par ordre du roy, de sorte que tous conjonts ensemble seront un corps de 16 m. hommes. D'autre part les impériaux se renforcent à tout possible à Tyrol sous la conduite du colonel Goler9 et du commissaire Ossa10, lesquels doit suivre le comte d'Ognate11, avec les trouppes nouvellement levées en Allemagne, le nombre desquels on met en tout jusques à 10m. combattans, mais d'autres disent, qu'il n'y a que 4m. piétons qui sont entrez dans Tyrol l'archiduquesse12 n'en voulant plus tant pour estre le pays stérile que pour n'inriter trop les Grisons qui ont un' alliance héréditaire avec la maison d'Austriche.
Cerbellonus13 outtre ses 6m. piétons et 800 chevaux a receu de plus 4m. Néapolitains, qui sont arrivez au Milanois, et autant des Suissez cattoliques, et avec ceux que le gran duc de Toscane14 fait estat d'envoyer au secours, croit-on qu'il pourra avoir 16m. hommes en tout.
Mais si mes advis sont vraye qui portent que 4 régiments sont désià passez en Piedmont soubs le marquis de Villeroy15 et que dix et sept autres suivent avec 3000 chevaux pour donner dans le Milanois, les Espagnols auront bien à faire à défendre le leur sans attaquer la Valteline, que si les impériaux16 voudront entreprendre sur les Grisons comme on en doute, ils trouveront assez de résistance.
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Car le duc de Rhuan est toujours actif et s'en va d'un costé à autre pour faire bien garder tous les passages par lesquels l'ennemy pourroit passer et ayant à sa dévotion tant les Suisses que les Grisons. Ie ne veut point douter du bon succez de ses intentions, surtout si l'advis est vray que le mareschal de la Force17 aye donné une chasse au duc de Lorraine18 avec perte de 4m. hommes tant prisonniers que çà et là esparpillez.Pour moy ie n'en ay aucune particularité, les advis d'en bas venant chez nous fort incertains. S'il vous pouvez faire quelque bon service pour la restitution de la Valteline aux Grisons, ie vous supplie de n'y vouloir point manquer. Car encor qu'on leur en donne bonne espérance sur ce suject f ... t cela néantmoins est encor plein de difficultez, tant pour l'authorité absolue sur les Valtelins que pour la réligion réformée, l'exercice de laquelle l'on ne veut qu'on y introduise.
Dont ie vous advertiray de temps en temps tenant à gran honneur vostre communication, à laquelle ie correspondray soigneusement comme celuy qui vous honore très passionnement et demeure,
Monr.,
Vostre très humble
serviteur
Marini.
De Zurig, ce 27 de May 1635.
P.S. Monr. de Boullion19, commissaire aux Grisons, s'en va à Vénise pour y solliciter pour l'artillerie dont les Grisons sont mal pourveus. Nous verrons, quelle résolution les Vénétiens prendront sur ce suject, et s'ils prendront de partie aussy bien que le duc de Savoy20 qui jusques à présent se tient coy.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius, ambassadeur de sa Majesté de Sueden à Paris. Citò.
In dorso schreef Grotius: 27 May 1635. Marin.