Madame,
J'ay apprins avec une douleur fort sensible la perte, que non seulement vous et vostre famille fort illustre a fait au trespas de feu Monsieur vostre mary2, mais aussi toute l'Allemagne, laquelle au millieu de ces grandes tempestes avoit grand besoin d'un si sage pilotte, doué d'un sçavoir, prudence et vertus éminentes. Outre le mal qui en arrive au public, i'en ay ma part en mon particulier, ayant eu l'honneur d'estre bien voulu d'une âme si généreuse, et l'ayant tenu pour une félicité grande. Dieu, qui par sa promesse s'est obligé d'avoir soucy tant de peuples affligez que des veufves et pupilles, remettra par sa grâce et par l'assistance des grands roys et princes l'Allemagne en un meilleur estat, et sera protecteur de vostre personne et des vostres.
Je suis trop faible pour pouvoir porter quelque soulagement à l'affliction que Dieu vous a envoyée, mais bien vous prieray-ie de croire, que de tout ce qui dépend de moy vous pouvez disposer librement.
Quant à l'affaire que Monsieur vostre mary m'avoit recommandé et que vous me recommandez par la vostre, le roy3 estant party d'icy vers la Lorraine, ie n'ay peu mettre entre les mains de sa majesté vostre lettre, comme autrement i'eusse tenu à honneur d'en faire, mais le roy ayant voulu qu'en son absence les ambassadeurs s'adressassent à Monsieur le cardinal4 comme ayant plein pouvoir de toutes affaires, ie luy ay recommandé l'affaire, et en outre à Monsieur de Bulion5, surintendant des finances. Et après, ayant aussi envoyé à son commis, i'apprends que feu Monsieur vostre mary a esté couché sur l'estat des pensions estrangères pour six mille livres. Mais le mal est que cette somme est mal assignée sur les dèves de la Chambre de Justice de l'an 1625, là où il n'y a pas du fonds comme m'ont asseuré ceux qui manient ces affaires: tellement que pour parvenir a l'esset de la libéralité du roy il faudra obtenir nouvelle assignation, à quoy la recommandation de Monsieur de Feuquière6 à Monsieur de Bulion et ses commis pourront beaucoup, et cy contribueray fort volontiers tout ce qui sera en mon pouvoir, priant Dieu, Madame, qu'il vous conserve soubs sa protection.
Vostre serviteur très humble.
A Paris, le 10/20 Septemb. 1635.