Monsieur. J'ay receu les vostres du 8. et 15. de ce moys, et louë Dieu de vostre bon estat, qui ne le sera jamais tant que je le désire. Je voy quelques fois vos plus proches, auxquels j'offre et voudrois rendre très affectionnément tout ce qui pourroit procéder de moy. Je croy que vous en aurez bien tost prèz de vous la meilleure partie, et souhaitte que la pacification de nos malheureux troubles vous accélère ce contentement. J'ay recerché ce que j'avois sur les sujectz du temps, et l'ay baillé à ce que vous aymez le mieux, pour en tirer ce qui pourra servir à vostre intention, de quoy plusieurs sont en aussy grande crainte, comme j'en suis en attente avec tous les gens de bien, chacun n'estans pas moins obligé à la deffense de son honneur, qu'à celle de sa propre vie. Je vivray aussey en espérance de veoir ce que vous avez donné au fils de feu Monsieur de Thou2, qui luy devra servir d'un vif esperon à marcher sur sa mesme piste; je n'attendz que la commodité de quelqu'un allant exprèz pour vous envoyer ce que j'ay projetté contre les impostures de ce Bon-fat3, affin que vous en jugiez, résolu de m'en tenir là. Quant à l'intercession dont vous me parlez en faveur du faux Cretensis4, je m'en suis apperçeu de la cour mesme, où je fay cognoistre, comme aussy à Messieurs le Chancelier5 et Jeannin, la continuation de ses duplicitéz au mesme temps que fistula dulce canit etc. C'est un homme devenu si odieux que tous non seulement prognostiquent, mais désirent sa ruyne, et si les plus clairvoyans ne se trompent elle n'est pas loing. C'est pourquoy ceux auxquels il n'a jamais faict ny fera que mal ne la doivent pas empescher, une des choses qui l'accélère le plus estant la juste indignation que Sa Majesté et Messeigneurs de son conseil ont contre luy. Je m'asseure bien que ce grand personnage et si songneux du bien de l'estat, Monsieur le President Jeannin, ne se lairra pas tromper aux feintes assurances de cet insigne pipeur, et qu'il tiendra la main à ce que d'autres n'en soient abuséz. Icy on est tousjours aux escoutes de ce que fera le marquis6. Il semble que tant de sang respandu par l'empereur à Prague ne faict pas bon effect pour luy, à qui aussy ne servira pas la mort du Comte de Buquoy7. Dieu veille nous redonner la paix en France; si cela est j'espere vous aller embrasser et vous asseurer de vive voix que je suis immuable en la volonté de vous honorer, et d'estre tousjours aymé de vous comme
Vostre très affectionné serviteur
Dumaurier.
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J'ay escrit par M. de Chaudebonne8 à Monsieur de Boissize en conjouissance de sa guérison; quand je le sçauray à Paris je luy escriray. Dieu nous conserve ce qui nous reste de personnages tels, qui sont désormais bien rares.
De la Haye ce 29e Juillet. 1621.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius A Paris.