Monsieur,
Ce que j'apprens souvent de vos nouvelles par les lettres de mon filz2, m'empesche de vous solliciter plus fréquemment de m'en dire vous mesmes. Mais je ne puis différer davantage de vous rendre très affechtionnées grâces des soins que vous prenez de diriger sa vie et ses estudes par vos sages admonitions et conseilz, qui m'obligent plus que je ne sçaurois vous dire. Pour vous supplier aussy d'excuser les importunitez que vous pouvez recevoir de luy à contretemps, par n'estre en son aage assez circonspect pour discerner les temps de v(ous) abborder avec vostre moindre incommodité, vous asseu(ra)nt que j'ay pour principale consolation en son eslongnement de moy et le voyant dans ce gouffre de ville, que de le sçavoir si heureux d'estre sous vostre inspection, par le moyen de laquelle vous luy pouvez procurer le bien estre; de quoy je vous supplye donq très affectionnement ne vous point lasser.
Je laisse maintenant mon particulier et viens au public, pour vous témoigner ma joye de la prospérité que l'on publie de M. le prince d'Aurange en la deffaicte des Espagnolz et par terre et par eau, comme aussy la crainte où je vis attendant que je sache, si mon filz aisné3 qui est prez de son Exce n'aura poinct eu quelque sinistre part de ce qui s'est passé en ces combatz; sur le suject desquelz M. Marbaut4 me mande une chose que je ne puis comprendre, à sçavoir que le comte Jehan de Nassau5 partit d'Anvers avec grand nombre de barques et vaisseaux pour aller descendre à Willemstat, où la mer s'estant retirée, il auroit esté deffaict. Parce que je ne puis cognoistre la situation de ces lieux là, je ne scay par où il pourroit estre descendu au dict Willemstat avec tant de vaisseaux, que par l'Escaut et en passant devant l'Islo, où il auroit faillu forcer les navires de guerre qui barrent cette rivière, et voire toutes les canonnades de ce fort. Je vous supply m'obliger
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tant de me soudre cet énigme et me dire quand et quand, ce que vous apprenez et espérez de mieux de vostre patrie, au coeur de laquelle Dieu veille rapprocher ce qu'ell' a de meilleur sang et force.Je désire aussy sçavoir si Mad11e vostre femme est de retour, et si ell' a mené Cornélia6 à laquelle, et à tout ce qui vous appartient je ne souhaitte moins de prospérité qu'à moy mesme et aux miens propres. Sur cette verité je vous supply recevoir les bien humbles recommandations de ma femme7 et miennes8 avec toute vostre famille vous suppliant croire que chaque jour du prolongement de ma vie adjouste à mon affection de demeurer pour jamais,
Monsieur, Vostre bien humble et très fidelle amy et serviteur
Au Maurier ce 27e. Septembre 1631.
Dumaurier
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius.
In dorso schreef Grotius: 27 Sept. 1631 du Maurier.
et iterum: 27 Sept. 1631.
Maurier.