Monsieur,
J'ay receu un peu tard vostre lettre du 9 courrant2 et suis bien marry que ny vos bons offices qu'il vous plaît faire pour moy, ny aucune raison peut ployer nos seigneurs à quelque pitié de moy, qui suis icy en telles extrémités à cause de la détention de mon gage sans cela assez petit et qui passe desjà trois ans entiers et deux mois de surplus, quod sane hominem opulentum, ne dicam me, ad stipem redigere posset. Ma femme3 est au lict, abbat[t]ue d'une grande mélanquolie qu'elle prend de ce qu'elle se voit ruinée à cause de moy, qui véritablement suis hors de coulpe, ayant fait il y a longtemps tout ce qu'il m'a esté possible tant pour avoir mon congé que le payement deu. Sed oportet, ut a Deo et tempore eius remedium expectem intereaque querelis ac emendicando hinc inde in victum necessaria tempus ac vitam miserrimam traham. Haec an pro honore sint Sueciae, quisque prudens ponderet.
De Mon.r le mareschal Horn4 je suis en peine que vous ne me mandez rien, et il seroit raison[n]able que le roy très-chrestien envoyast désormais sa résolution touchant son eschange, car on est sur le point de le ramener en Bavière et il attend seulement vostre responce sur ce qu'il vous a escrit il y a huict jours. Nostre général Banier est en Saxe malade d'une fièvre tierce.
Unze cantons ne donnent point des gens à la France, et n'y a que Berne et Friburg qui en accom[m]odent le roy, et oultre ces deux les villes de Neufchastel et Biel ont promis 4 compagnies, ausquels estans joints les Valésiens et Grisons que le colonel Guler5 fait lever, tout cela ensemble fera quelque cinq mille hommes. Ghil de Has6 impérial fait le maistre delà du Rhin et sera renforcé par Hazfeld7 pour passer plus avant. On dit que les Vinarois retourneront vers le Rhin.
Ces traittés avec l'empereur et la France8 pourront retarder un peu les actions généreuses de nos armées en campagne, ce qui apparemment réussira à l'advantage de la maison d'Austriche et d'Espagne, qui nous amusent d'ordinaire des bonnes espérances de la paix, quand ils sont à l'estroit.
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Dieu gouverne tout, qui sçaura conduire à une heureuse fin ces brouilleries de la pauvre chrestienté combattue de tant de maux de tous costez.
Je demeure, monsieur,
tout le vostre
C. Marin mp.
De Zurig, ce 22 d'Avril stylo loci l'an 1641.
Sur le Bernois il y a eu un soulèvement du peuple à cause de[s] tailles qu'on luy a voulu imposer contre la coustume ancienne.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 16 Maii 1641.
En in dorso: Marin 22 April 1641.