Monsieur,
J'appren[ds] par la vostre de l'XI du courrant2 que l'affaire de monsieur vostre fils est encor ‘in fieri’,3 mais pour l'advancer tant mieux il faut qu'il escrive à monsieur le residant icy, qui s'appelle Domenico Vico,4 en luy descouvrant son intention et à quelle condition qu'il voudra capituler, car il a desja ordre de traitter avec chacun qui voudra faire des levées, mais à condition de procurer aussy le passage,5 la Republique ne le voulant desmander elle-mesme. Le baron Kopet,6 Bernois, leve trois mille hommes, mais du passage il n'est pas encor asseuré. J'attendray donc au premier ordinaire vostre responce la-dessus.
Les François ayans quitté la ville d'Alexandrie ont mis le siege devant Trino, place bien forte appartenante au Piedmont. Le baron Batteville y est en garnison avec mille hommes et pourveu de tout ce qui lui faut pour trois mois,7 pendant lequel temps le nouveau gouverneur de Milan8 espere de le pouvoir secourir, ayant receu de l'argent de Naples et Sicile, et en attend encor 500 Allemans de renfort et autant des Espagnols. Les papalins tiennent encor le fort nagueres pris sur les Venetiens dans le Polesinois. Mesmes
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on escrit qu'ayans voulu le rescouvrer ils en ayent esté repoussés par deux fois, et pour maintenir ce poste le cardinal Barbarin y a envoyé du renfort au chevalier de Valencé, qui y commande.9 Pour la paix il y a peu d'apparence, encor qu'on die que pour en traitter l'assemblée des interessés se doive faire à Mantoua.10 Thionville estant pris, monsieur Guebrian aura beau d'agir contre l'ennemy.11 On dit qu'il veut assieger Philipsburg, ce qui donra de l'ombrage à l'Allemagne.Au reste, monsieur, j'attend[s] de vous la faveur de ces deux cent dalers,12 dont j'ay grandement besoing en une occasion fort urgente et qui ne souffre de deslay, vous asseurant sur mon honneur que je les vous rendray aussytost que mon change sera icy, lequel selon toute apparence trainera encor à la longue. Mon gage me demeure dereschef en arriere pour trois ans, mais ce qui pis est, ma femme13 à cause de moy ne peut vaquer à ses affaires, là où sans cela si elle pouvoit vivre au voisinage de la Voltoline elle pourroit nourrir honnestement mes enfans de ses rentes, dont la vente vaut bien peu à cause que tout y est à bon marché, et je despen[ds] chacque année mille florins plus de ce que je ne ferois si je pouvois habiter es Grisons. J'ay fait beaucoup pour la Suede il y [a] unze ans tantost. Dieu veuille qu'on le recognoist bientost.
Je demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 17 d'Aoust 1643.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 9 Sept.
En in dorso: 17 Aug. 1643 Marin.