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Monsieur,
J'appren[ds] volontiers par la vostre du 12 de ce mois que nostre reine s'approche de sa majorité,2 mais que j'aye à attendre icy sans argent jusques à ce qu'elle acheve son an qui expire au mois de Decembre futur. Ce m'est tout à fait impossible. J'attends pourtant seulement ce qu'on resoudra de la residance de Benfeld3 et si on me voudra aider de ces rentes-là; sinon et que d'ailleurs je ne reçoive aucun argent, il faut que je parte d'icy honteusement vers le prinstemps, ne pouvans plus vivre d'esperance dont on m'a entretenu de si longtemps. Pour le moins je me delivreray d'une si lourde despence que j'ay icy et estant à la cour aura[y] plus de moyen de quoy vivre et solliciter mon payement. Aussy apporteray-je de telles raisons de mon despart que nos seigneurs les approuverons et auront peu de gré à ceux qui ne m'ont pas voulu assister en ma necessité comme toute raison veut. Ma pauvre femme en est comme desesperée, ayant ruiné tout son avoir à cause de moy. Dieu m'en console.
On continue à bloquer Uberlinghen4 et l'extraordinaire de Venise es Grisons5 a convoqué les communs pour demander le passage qu'on luy traverse fort. L'affaire de Tavas est accommodé par l'interposition des protestans suisses alliez avec les X droitures,6 qui ont prononcé que l'election du Landamman soit alternativement prattiquée entre ceux de Tavas et d'autres. Le passage par la Suisse demeure encore en suspens.7 Cependant le cardinal Bichi a concerté avec la ligue quelques articles de la paix,8 ausquels si le pape fort malade à ceste heur voudra souscrire, on en viendra à la conclusion de part et d'autre. En substance ils contiennent:9 que Castro soit rendu au prince de Parme et qu'à son nom la France demande pardon au pape; que tout ce qu'on a pris de part et d'autre soit rendu et les fortifications nouvelles demolies sans s'obliger au desdommagement que le pape voudroit pretendre; le differend des Montistes10 doit demeurer en son
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premier estre et celuy du duc de Modene decidé aimablement. Je ne croy pas que les Barbarins les ratifient sitost,11 tant que le pape ne sera gueri ou mort. De tout cela la France doit estre pour garand12 au gran[d] prejudice d'Espagne, qui s'en plaint, et au nom de l'empereur le comte de La Rocca, qui a traitté le premier en cest affaire13 et veut qu'on ne viene à la conclusion sans qu'il y soit appellé. Avec tout cela on n'omet d'armer de part et d'autre pour continuer la guerre en cas que la paix ne se puisse effectuer.Voila tout ce que j'ay pour le present, demeurant au reste, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C.M. m.p.
De Zurig, ce 18 de Jenvier l'an 1644.
Le cardinal Raggi14 est mort et on garde fort Rome pour prevenir le tumulte en cas que le pape viene à mourir.
Je vous supplie d'envoyer ce petit fe[u]illet en Suede, n'y ayant peu escrire pour ce coup à cause que le courier est party d'un jour plus à bon heure qu'il n'est pas de coustume.
Je vous prie de me mander par où passeront nos lettres15 durant la guerre contre Denemarc et si la France en sçait et approuve ceste rupture.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 15 Febr.
En in dorso: 18 Ian. 1644 Marin.