Monsieur,
Je vous remercie tres affectueusement du bon souhait que vous me faites pour mon voyage, que j'espere d'entreprendre bientost, car le gouverneur de Benfeld me fait de
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grandes pleintes contre les François,2 qui menacent derechef de prendre leur[s] quartiers au territoire de Benfeld et en partie les y ont pris desja, et mettant par cela à une extreme desolation les habitans il n'en peut plus tirer tant d'argent qui baste à l'entretenement de la garnison, de sorte que j'y serois pis qu'icy, si on m'y establiroit pour residant. Oultre cela, il a des lettres de Suede, vieilles de trois mois, qui ne donnent encore aucun indice qu'on y sçache la mort du feu Mokl,3 tant les postes sont mal asseurées, et d'attendre icy la responce de ce qui luy doit succeder, ce seroit trop long pour moy. Il faut donc par necessité que je parte d'icy devant ou après la Pentecoste4 pour mettre en meilleur ordre mes affaires en Suede et je crois d'y pouvoir arriver fort à propos, puisque nostre reine accomplit ses années de la minorité vers le mois de Decembre futur et entrera ellemesme au gouvernement de son royaume.5 Je suis pourtant resolu de me mettre bientost en chemin et à celle fin me veux servir de certains bains qui sont au pays de Valis6 pour en fortifier un peu me[s] jambes.L'execution de la paix d'Italie s'accroche un peu sur ce que le pape ne veut demolir son fort de Malamucha, fait à l'entour de Comachio,7 pretendant n'estre compris dans le traitté, et parce que les Venetiens pretendent le contraire, ils en disputent entr'eux fort brusquement et attendent la resolution sur cela de France. Le duc de Bouillon a esté bien receu tant à Milan qu'à Genes et sera à ceste heur à Rome,8 où l'on soupçonne qu'il est appellé expressement par les Barbarins pour brouiller derechef les cartes, et que pour cela on fait difficulté de demolir ce fort de Comachio. Nous verrons ce qu'en sera. Le prince Thomas tient le rende[z]-vous de ses trouppes qu'on estime de 8 à X mille hommes, faisant semblant d'attaquer le fort de Breme9 et faciliter la prise de Final,10 que la France voudroit oster à l'Espagnol, fort soigneux à le conserver, y ayant mis une garnison de deux mille hommes et donné ordre à le secourir par mer en cas de besoing. Le general des dominicains, pere Rodolfe,11 a esté desmis de sa charge contre la volonté de
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l'empereur, du roy de Poulogne et des relligieux de cest ordre-là, qui menacent de se soulever contre le pape, et plusiours sont partis de Rome fort malcontens. De Vienne on confirme la desfaite du comte de Bouchaim par le Rakozy, qui a besoing d'estre appuyé.12Je demeure, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 22 de May l'an 1644.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 23 Iunii.
En in dorso: 22 May 1644 Marin.