Monsieur,
Vous m'avez obligé d'avoir disposé M. Heuf2 de promettre qu'il me satisferoit à l'ordon[n]ance du premier argent qu'il recevra, et si in antecessum il me vouloit assister de quelque 200 dalers, ce me seroit certes une particulière faveur, moy trouvant icy tant de difficultés de trouver de l'argent que j'ay honte certes d'en mandier tousjours de nos marchands, et si en ay-je besoing plus que jamais, surtout à ceste heure que ma femme fera ses couchées au mois de Juin prochain. Ce qui fait que j'en escris aussy à M. Salvius3 voyant traîner ces espérances trop à la longue et avec mon très-gran dommage que je reçois de ces délais de tous costés, là où néantmo[i]ns je puis dire hardiment qu'il n'y a aucun des ministres de Suède qui n'ait souffert tant de dommage à cause de sa charge com[m]e moy, sans qu'on y face aucune réflexion à mon advantage. Je crois avoir desjà dit et escrit en Suède ce que je devois, et faut néces-
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sairement que j'attende là-dessus la résolution de Suède, n'y pouvant remédier autrement ny partir d'icy à cause de mes deubtes.Messieurs les Suisses ont intimé une diète générale à Bade pour le 22 prochain4 et on y traittera sur le suject de la Bourgogne et de Costance, comme aussy de la restitution de l'esvêque de Basle5 dans son pays et qu'avec un commun consentement on rappelle les Suisses qui sont dans les garnisons des villes prises sur l'Espagnol, qui se plaint que tout cela se fait par les Suisses contre la teneur de leur paix héréditaire soubs laquelle on veut comprendre aussy le Pay[s]-Bas. Les cattoliques voudroyent disposer les protestans à quelque hostilité contre la France, en cas qu'elle voudroit assiéger Costance, et disent ouvertement qu'ils empêcheront qu'icelle ville ne vien[n]e au pouvoir du roy, contre lequel ils sont fort irritez, et si son ambassadeur6 demande quelque levée, je doubte grandement qu'on ne la luy refuse tout à plat, surtout s'ils ne les contente en leur prétensions.
On nous confirme l'accord fait entre le prince Thomas et les ministres d'Espagne7, mais tandis qu'il ne sera point ratifié par le roy d'Espagne, les princes se veulent tenir neutraux. Je crois que le comte Masserat8 passera en Espagne pour ce suject, et s'il n'en rapporte bientost la ratification au contentement des princes, les François auront beau jeu de faire leurs affaires avec eux. Cependant on luy promet donner 5 m. à pied et 1500 chevaux et de l'argent pour en lever autant, ce qui en tout feroit X ou 12 m. hommes, et toutes les places qui seront prises par luy il y doit commander en souverain avec d'autres dépendances considérables.
Castel Rodrigo, ambassadeur d'Espagne à Rome,9 a ordre de passer à Ratisbonne et d'autre costé le nouveau roy de Portugal luy commande de quitter sa charge e[t] retourner dans Portugal estant un des principaux seigneurs de ce royaume-là, où il a ses rentes qui montent à 50 m. escus, et sa femme10 est proche parente du roy Jean 4, ce qui le met bien en peine. Le reste vous comprendrez de cy-joints advis.11
Je me reccom[m]ande à vos bonnes grâces et demeure, monsieur,
vostre serviteur très-humble
C. Marin mpp.
De Zurig, ce 17 de Febvr. l'an 1641.
Je ne manqueray pas à mon devoir envers M. Spiring12 par la première occasion, pour luy congratuler de son assumption à la charge qu'il a.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Re. 14 Martii.
En in dorso: 17 Febr. 1641 Marin.