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Monseigneur,
Ce fut seulement Meccredi dernier qu'on me rendit la lettre dont vostre Excellence m'a daigné honorer en date du 8 Juin2 et par laquelle j'apprens que le reste de ses Annotations doit bientost venir entre nos mains par la voye de Hambourg à Rouen et de Rouen à Paris.3 Aussitost que nous les aurons receues, je ne faudray pas de vous en donner advis. Cependant vostre Excellence se peut asseurer de mes soins, que le plus grand que j'aye au monde est de veoir ses divins ouvrages bien imprimez et estimez selon leur merite. Depuis la Pentecoste on y a travaillé avec la plus grande diligence qu'il a esté possible, et combien que les syndics en ayent pris cognoissance, si est-ce qu'ils n'y ont jusques icy apporté aucun empeschement. J'espere que l'envie qu'ils portent à nostre libraire hollandois4 sera retenue par la consideration de vostre Excellence et du credit de ses amis, duquel toutesfois je ne me serviray pas, si la necessité ne m'y oblige.5
Au reste, monseigneur, comme nous ne pouvons estre trop joyeux du grand peril que vostre Excellence a eschappé au port de Vismar,6 aussi sommes-nous en peine de sçavoir le succes de son voyage, n'ayans jusqu'à present receu aucunes nouvelles de son arrivée en Suede. Pour moy je ne doute point qu'elle n'y soit parvenue à bon port et qu'elle n'y ait trouvé les pacquets de gazettes que je luy ay envoyées chaque semaine par ordre expres de madame.7 Je n'ay rien à adjouster à celles de cette semaine sinon qu'il courut hier un bruit d'une grande victoire remportée par monseigneur le duc d'Anguyen sur les Bavarois,8 mais aujourd'huy il ne continue pas, ce qui m'en fait douter.9 Entre autres particularitez l'on disoit que le marechal de Turennes et Jehan (de) Vert y avoyent esté tuez.
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Madame la duchesse d'Orleans10 (ac)coucha hier d'une fille sur les six à sept heures du matin. (Les) douleurs la saisirent à 4 heures du matin, de quoy la reine estant advertie, elle y accourut en diligence, accompag(née) seulement de madame de Senecey et d'une de ses filles,11 et suivie ou plutost environnée de 2 vallets de pied avec son cocher. Neantmoins quand elle y arriva, l'enfant estoit desja né. Monsieur le duc d'Orleans est attendu icy aujourd'huy ou demain.12
Je finirois icy, s'il ne me souvenoit d'une lettre qu'on publia icy il y a trois jours sous le nom (du Gra)nd Turc au prince de Transsylvanie,13 dont j'ay joint icy un exemplai(re). Les tiltres et menaces qu'elle contient me font conjecturer que c'est une pure supposition et fausseté, mise en avant pa(r) quelques partisans de la maison d'Austriche,14 et je m'estonne pourquoy on permet cela. Vostre Excellence trouvera aussi (dans) ce pacquet une lettre qui m'a esté recommandée fort partic(ulierement) par un Anglois, qui fait profession d'estre admirateur de ses ouvrages et de son grand merite.15 Messieurs Dupuy, monsieur Labbé et messieurs Polelm et Heuft16 m'ont prié de luy presen(ter) leurs tres humbles baisemains, comme je fais presentement, priant tousjours Dieu pour sa conservation et le bon succes de son voyage, lequel ne sçauroit estre si avantageux que le desire celuy qui ne cessera jamais d'estre, monseigneur, de vostre Excellence
le tres humble, tres obeissant et tres obligé serviteur,
E. Mercier.
De Paris, ce 29 Juillet 1645.
Monsieur le baron d'Oxenstern partit d'icy pour Hollande il y a 15 jours ou 3 semaines, ayant esté regalé d'une boiste d'or, enrichie de diamans et des pourtraits de leurs Mayestez, qu'on estime 10000 francs.17 Le cardinal Mazarin luy fit aussi present d'une monstre vallant environ ... livres t[ournois].18
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Adres: A monseigneur/monseigneur Grotius, conseiller de la reine de Suede en ses conseils d'estat et privé, et cy-devant son ambassadeur en France, à Stokolme.
Bovenaan de brief staat in een onbekende hand: Mercieri ad Hugonem Grotium, den 29 Iulii 1645.