Monsieur,
J'ay receu la vostre très favorable du 11/21 d'Aoust passé2, espère aussy que les miennes vous auront esté rendues, surtout celle par laquelle ie vous remercie3 de la procuration de la lettre du roy4 que ie delivray à monseigneur le duc5 qui me promet toute assistance, et selon que mes affaires succéderont ie vous en donray advis et en venant (?) au bout de ce i'ay à prétendre ie tâcheray de vous tesmoigner par effect le désir que i'ay de recognoistre dignement vostre peine qu'il vous a pleu prendre en mon endroit. Je aussy monstray à susdit seigneur vostre tesmoignage que donnez à sa valeur dont il a esté fort aise m'ayant commandé de vous saluer de sa part cordialement, et à mon advis ferez bien de luy escrire parfois sur l'occasion de ma personne.
245
Tout le nostre camp est encor à Tyran et sur la fin d'octobre les trouppes se partageront par toute la vallée, car alors il n'y aura point le danger que les impériaux6 passent plus par Bormio la neige remplissant les estau des montagnes tant à Bormio qu'aux Grisons, de sorte que si les Petis Cantons ne donnent le passage par Gotard, les impériaux trouveront bien de la peine à passer en Italie pour secourir le milanois dans lequel Créqui7 a pris Valence, et met gran espouvante parmy les Espagnols qui sans l'aide des Allemans ne pourront guerre subsister, les princes d'Italie estant quasiment tous du party françois et les sujets de l'Espagnol panchent à changer de principauté dont le joug leur est insupportable. Il seroit fort à propos que monsieur de Rhuan peust occuper Tyran, mais les Suisses et Grisons s'excusant vainement sur l'alliance héréditaire avec la maison d'Autriche, retardent son désir, non obstant que ces peuples ayent esté mille fois offencez des Austrichiens. Sed pusillanimitas semper praetextus suos habet.
L'on nous asseure que la peste est en Tyrol, quoy estant les Italiens seront tant plus difficiles à recevoir les impériaux, qui la portent d'ordinaire avec eux. Nous n'en sommes pas aussy exemts, car n'aguerres elle se glissa dans la ville de Coire et de là en Suisse, à Zurig, Saint Gall, et nous mesmes dans la Voltoline sommes en appréhension de l'avoir bientost chez nous, dont le présage certain sont les fièvres chaudes.
Vous avez desià entendu comme un gentilhomme françois8 a voulu séduire monsieur le duc de Rhuan ayant en un affaire de si gran importance demandé le saufconduit de venir seulement chez luy mais non pas d'en retourner avec la mesme liberté, sur quoy il fut attrapé et mené dans le Fort de Rhin aux Grisons où il demeurera jusques à l'autre disposition du roy. Le roy d'Espagne9 luy a offert le généralat sur un' armée de 50m hommes, avec une pension du tout extraordinaire. Et ce brave fait de monsieur de Rhuan n'acquerra moins de réputation à luy que ses victoires passées. Dieu nous le conserve dans ce pays longtemps contre tant d'ennemys qu'il a et icy et en France.
Cy jointe vint de Constantinople10 de monsieur Haga11, laquelle ie n'avois pas osé envoyer par l'Allemagne à cause des passages que l'ennemy tient au Palatinat. Je suis d'opinion que les princes chrestiens ne laisseront plustost à s'entrefaire la guerre jusques à ce que le Turc12 viene à mettre le stola, ce que sera sans doubte aussytost qu'il aura fait sa paix avec le Persien13, comme l'entendrez par cy iointe copie.
A tant priant Dieu pour vostre santé et prospérité ie me recommende à vostre bonne grâce, comme celuy qui tient à honneur de porter la qualité, monsieur, de Vostre serviteur très humble
Marini.
246
De la Valtoline, 18/28 de 7bre 1635.
In dorso schreef Grotius: 18/28 sept. 1635 Marini.