Monsieur,
Je vous envoye cy-jointes lettres que vostre fils m'a envoyé de Coire,2 et comme je croy sera desja dans l'armée de Venise, qui a changé de poste n'ayant peu forcer les papalins à abandonner le fort.3 Mais on est après à faire une diversion tant par mer que par terre dans l'Estat ecclesiastique pour les en desnicher, à quoy ne servira peu la victoire du gran[d]-duc, dont je vous ay escrit par mes precedantes,4 et après laquelle on dit que Cisterne ou la ville de Peruse ait esté prise, mais sans aucune certitude jusques à ceste heur. Devant Trino les François ont esté aussy repoussez en 4 assauts, mais à la fin ils ont chassé les Espagnols de dessus un boulevard de la citadelle qui tire vers Casal, et se preparent à un assaut general, duquel despendra la reddition ou delivrance de ceste placelà, les François ne pouvant continuer longtemps le siege à cause des pluyes et que le lieu
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sans cela est marescageux.5 Le nouveau gouverneur de Milan ayant donné une paye aux soldats est en campagne pour faire quelque diversion ou jetter du secours dans Trino,6 qui est aux abois à cause de la maladie du gouverneur et de la plus gran[de] part des soldats, si les eaux n'en empechent la prise. Monsieur le mareschal Guebrian a besoing d'estre appuyé et vous ferais bien de faire haster son secours.7Au reste, monsieur, je vous supplie tant que je puis de m'assister d'un peu d'argent8 par telle voy qui vous sera plus facile, car je vous proteste devant Dieu que je me trouve en telles peines pour en avoir que je n'ay point eu de semblables durant ma vie. Asseurezvous que [vous] ne perdrez rien sur moy, car à l'arrivée du premier argent, que devant le mois de Febvrier ou Mars de l'année qui vient je n'attend[s] point, je vous en rembourseray, et vous en obligeray infiniment non seulement ma personne, mais aussy l'honneur de la couronne qui en patit. J'ay dix personnes sur moy à nourir en sorte que le vivre et ce qui en depend m'emporte cent dalers par mois, autant le louage de la maison par an, de b[e]aucoup plus les habits, les correspondances et autres choses extraordinaires, et avec tout cela on me laisse icy sans gage 4 ans entiers:9 res inauditi exempli inter alios. J'attendray donc de vostre faveur ce peu de secours au plus tost et cercheray par tous les moyens possibles de m'en revancher et faire paroistre que je suis veritablement, monsieur,
vostre serviteur redevable,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 21 de Septembre l'an 1643.
Il y a du mavais bruit de nostre Torsonson,10 que Dieu veuille changer en bien, mais je le tiens pour souspect puisqu'il vient de Vienne.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 14 Oct.
En in dorso: 21 Sept. 1643 Marin.