Monsieur,
En responce de vos deux lettres du 1 et 8 du courrant2 je vous diray que vostre fils est party d'icy Samedy passé,3 accompagné de moy par des reccommandations necessaires
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es Grisons, envers le mareschal de Salis,4 cousin de ma femme,5 qui luy pourra rendre plus de service que monsieur Sprecher, et à Venise6 il porte des lettres de monsieur le residant de Venise, necessaires pour faciliter son advancement, lequel estant conclu il pourra avoir son passage avec moins de despence veu la permission que les Grisons et les Petis Cantons en ont donné aux trouppes nouvellement levées par le baron Kopet.7 Il m'a veu en telle disette d'argent que mesme sur des gages je n'en ay peu trouver,8 tant les marchands icy sont difficiles à m'en accommoder; et parce qu'il y va de l'honneur de la couronne que je ne souffre de telles peines, et que monsieur Heuf ne veut rien faire pour moy, oblige[z]-moy, monsieur, avec vostre emprunt de ces deux cent dalers, puisque vous avez cest advantage de tirer vos gages vous-mesmes si exactement, ou donne[z] s'il vous plait ordre à monsieur vostre fils qu'il m'en accommode à son retour de Venise, car asseurement vous ne perdray rien sur moy, qui ay moyen par la grace de Dieu de quoy le contenter. En Suede il ne faut pas que vous insistiés plus pour mon payement, mais s'il vous plait de faire quelque chose pour moy, ce sera à propos d'en escrire à messieurs ambassadeurs Ochsenstirn et Salvius,9 dont le dernier ne fait pas ce qu'il devroit faire envers moy, qui ay perdu plus à cause de ma charge qu'aucun autre des ministres estrangers de Suede. Mais on s'en formalise bien peu parce qu'il n'y a point de charité.La meilleure nouvelle que je vous sçaurois donner c'est la desfaite de 3 mille à pied et XI compagnies de cavallerie de l'armée du pape dans le duché d'Urbino par les Florentins, lorsqu'ils estoyent en chemin pour aller assieger la Ville de Pievie, mais ayans esté prevenus par ceux de Florence aupres de Mongivoin sur une haute colline,10 ils furent mis en desroute. La cavallerie s'est sauvée avec peu d'infanterie, le reste a esté fait prisonnier, 4 pieces de canon et tout le bagage gagné. Cest advantage animera les Venetiens pour faire autant contre ceux du fort, qui s'y defendent encor courageusement,11 et dans la derniere sortie qu'ils ont faite sur le quartier venetien, il s'est attaché un furieux combat, où il est demeuré plus de 600 hommes de part et d'autre et celuy qui menoit les papalins pris. Voila ce que je vous puis dire pour ce coup.
Je suis, monsieur,
vostre serviteur de bon coeur,
C. Marin m.p.
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Dans ceste desroute des papalins les Florentins ont pris plus de 40 officiers avec le general mesme, Fra de La Marra. On dit qu'après ce sucez ils ayent assiegé Cisterne.12
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 11 Oct.
En in dorso: 9 Sept. Marin 1642 [sic].