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Monsieur,
Samedy passé je vous ay envoyé par le sieur Nicolas Rhut Suedois2 une lettre de vostre fils puisné,3 nouvellement revenu de la prison, par laquelle vous verrays qu'il a pris icy un peu d'argent dont il a eu besoing pour faire son voyage vers vous, esperant pourtant que vous le feray rendre à celuy qui l'a presté sur ma reccommandation, car autrement il n'eust peu passer plus oultre.
Le cardinal Bichi est depuis quelques jours à Venise,4 mais je ne sçai pas encore s'il a apporté la ratification de ce qu'avoit esté conclu à Venise entre luy et les colligués. Car on dit que le pape y a changé quelque chose et que les Venetiens ne le veulent pas accepter. En peu de jours j'attends des lettres de l'ambassadeur mesme de France qui est à Venise, lesquelles m'en apprendrons la verité.5
Uberlinghen demeure tousjours bloqué,6 mais on escrit qu'on y a introduit un peu des provisions par le moyen d'un faux passeport, à la faveur duquel on a peu acheter à Costance du beure, fourmage et d'autres danrées, et au lieu de les mener aux Bavarois on les a jettés à Uberlinghen. Les Bavariens se fortifient grandement et auront 20 mille combattans effectifs ce prinstemps en campagne.7 Dans les Grisons tout est derechef en grande confusion à cause des temples de Zizer, Underfaz et Churvalden, dont les protestans ont pris possession à main forte.8 Et parce que les catoliques avec la faction d'Espagne s'en veulent revanger, on y craint une guerre intestine9 et mesme les Petis Cantons s'y veulent mesler, des[es]perant desormes d'une bonne reunion avec les Suisses protestans et surtout avec ce canton-cy.10
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Je persiste en mon intention de partir d'icy volente Deo aussytost que je sçauray que la residance de Benfeld touchera un autre que moy, qui suis abbandonné de tous.11
Je demeure, monsieur,
vostre serviteur,
C.M. m.p.
De Zurig, ce 21 de Mars 1644.
P.S. Le pape a bien approuvé le project de Venise, mais il n'est pas encore soubscrit et ratifié et on mande au preallable en France pour l'y faire approuver. J'en sçauray bientost plus de certitude. Le cardinal Bichi est allé trouver le duc de Parme pour resouldre avec luy quelques difficultez qui restent et empechent la conclusion de la paix.12
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 14 Martii [sic].
En in dorso: 21 Mars 1644 Marin.