Monsieur,
L'ambassadeur de France2 ne me mande pas encor la conclusion de la paix d'Italie,3 mais il dit qu'elle est si advancée qu'on n'en doutoit plus ny à Rome ny à Venise, où le cardinal Bichi est attendu journellement pour mettre la derniere main à cest affaire. Mais d'ailleurs on me mande qu'il n'en sera rien, et quod anguis in herba lateat,4 puisque les Barbarins5 mesme après le despart du Bichi de Rome ont donné des patentes à deux cent capitaines et acheté gran[de] quantité d'armes et munitions pour plus de 50 mille escus. En peu de jours nous y verrons plus clair.
Uberlinghen demeure tousjours bloqué6 et il est incertain encore si les François voudront secourir les assiegés comme ils s'en ventent de le faire bientost. Les Grisons protestans ont pris possession de leurs temples à Zizers et Underfaz à vive force,7 ce qui fache bien les cattoliques.
A Milan on se prepare à bon escient à la defensive et si le prince Thomas y tourne ses forces8 il pourra faire quelque coup, les Espagnols faute d'argent n'ayant peu à bonne heure amasser des forces bastantes à defendre le Milanois, fort desgarni et des gens et d'argent. Il y a peu de sepmaines qu'ils en ont receu de Naples 150 mille escus, dont ils ont donné 30 aux soldats suisses et 18 mille aux Grisons, mais ils en attendent d'Espagne 500 mille escus et de Naples et Sicile un million d'or, payables en divers termes, et
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ceux de Milan prestent par advance deux cent mille, dont on haste ast'heur9 les levées et pourvoit aux garnisons du Milanois.Un marchand d'icy m'a donné deux lettres, qui appartiennent à vostre fils,10 lesquelles je luy fairay tenir par l'addresse de monsieur le residant de Venise, qui est la plus asseurée. Son affaire traine trop à la longue et s'il retourne icy vers le mois de May pour aller en France je luy tiendray compagnie, car je me doubte que la responce touchant la residance de Benfeld trainera trop plus longuement que je ne sçaurois attendre icy,11 et point d'autres me veulent assister d'argent. Il faut que je cerche mon payement à la source et crois avoir fait des miracles en ceste charge, ayant manqué 4 ans entiers de mes gages.
Je demeure, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 14 de Mars l'an 1644.
Je vous reccommande fort soigneusement cy-jointes12 et vous supplie de me mander s'il y a quelque esperance pour l'accommodement de la Suede avec Danemarc, qui seroit bien à desirer; car on dit que le Moscovite demande à la Suede la restitution de ce qu'on luy a pris.13
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 6 April 1644.
En in dorso: 14 Martii 1644 Marin.