Monsieur,
Il est asseuré que la paix d'Italie est conclue2 et soubscrite par les plenipotentia[i]res qui sont à Venise, et on a envoyé au pape et aux princes ligués pour en avoir la ratifi-
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cation, qu'on attend mesme de France. Le principal soing des rois est à ceste heur d'avoir les trouppes qui seront licentiées de part et d'autre,3 et le pape pour ne desgouster les couronnes veut donner les François à la France et les Neapolitains et Espagnols à l'Espagnol; le reste se promet la maison d'Austriche,4 et ceux du gran[d]-duc et de celuy de Modene passeront dans le Milanois, moyennant l'argent qu'on en doit desbourser et dont on voit grande disette à Milan, où les Espagnols ne sçauroi[en]t mettre en campagne 6 mille hommes,5 s'ils ne seront assistés de dehors.On commence à user de la force contre Uberlinghen, qui peut tenir encor par tout le mois de May, et celuy qui y avoit introduit des vivres6 n'est pas encore justicié mais tenu en prison à Costance fort estroittement. A Brisach les François se sont voulu mutiner à cause de la de‹n›tention de leur paye,7 sur quoy quelques officiers ont esté blessés, mais monsieur d'Erlach en a assopi la suitte en leur ayant fait desbourser trois mois de paye et promis deux autres en peu de sepmaines. Ce sont de mauvaises affaires au commencement de ceste campagne, que Dieu nous face reusscir à nostre souhait. Les Grisons sont assemblés à Coire avec les deputés suisses8 sur le fait des temples recouvrés par les protestans,9 et en peu de jours nous verrons comme ils en sortiront.
Je ne reçoi[s] ny d'argent ny d'advis qui succedera à Benfelden,10 et suis tout perplex de ce qu'on m'abbandonne si honteusement de tous costés. Il faut neantmoins que je voy l'issue de cest affaire de Benfeld, afin que si la succession d'iceste residance ne me touche je puisse poursuivre mon voyage en Suede avec plus de raison, esperant que devant le mois de May je vous en sçauray dire quelque chose de plus certain que je ne puis jusques à ceste heur. Cependant je me reccommande à la continuation de vos bonnes graces et demeure, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, l'XI d'Avril 1644.
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Il y a un bruit qui porte que les Danois auroi[en]t recouvert tout le butin que les Suedois avoi[en]t acquis dans la Holsace et Jutland,11 dont je voudrois estre bien asseuré. Toutes vos lettres m'ont esté bien rendues et je vous remercie fort du soing que [vous] prenez pour l'addresse des miennes.12
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. le 6 de Mai.
En in dorso: 11 d'Avril 1644 Marin.