Monsieur, mon très honoré amy,
Par l'ordinaire passé2 i'ay respondu à vos trois de 193 et 16/29 d'Aoust4 et 2 de 7bre5, espérant qu'elles soyent bien parvenues en vos mains. L'enclose du
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sieur Tschudy6 ie vous envoye à celle fin afin que vous en voyez le soing qu'il pren pour mes lettres, et si d'ores en avant il vous plaira addresser les vostres au sieur du Lieu7, maistre des couriers à Lyon, et de là au sieur Tschudy, ie vous asseure qu'elles me seront livrées infailliblement, autrement elles courent risque de se perdre. L'ambassadeur Anier8 qui est icy s'offert aussy pour l'adderesse, ie laisse à vostre discrétion le choix de l'un et l'autre.Quant à nos affaires icy elles vont fort mal, car oultre que nos rentes de cest anée nous ont dereschef manqué tout à fait, partie par le désordre de la soldatesque qui estant logée au lieu où nos biens sont destruit tout, partie pour la peste, qui nous a tué tant de paysans et ceux qui en sont échappez, vivant retirez par des montagnes ont abbandonné tout et laissé en friche.
Le public n'y est pas aussy guerre mieux, l'armée s'y trouvant grandement diminuée parmy ces désordres, et pour moy doute fort si la cavallerie y pourra subsister, car le paysan n'a point fauché le foin mais laisse tout à la discrétion du soldat françois qui consume en un mois ce qui luy devroit durer tout un an.
On n'envoye pas aussy assez d'argent pour payer et les François et les Grisons, dont les derniers veulent licentier leur trouppes, toutes s'estant assemblées auprès de Coire où, si l'ambassadeur Anier ne leur donne quelque satisfaction, tout sera mis au dessous dessus. Il y a encor un régiment des Suissez et 3 compagnies des colonels Salis9 et Bruker10 qui demeurent constans et ne remuent point, mais si le payement tardera trop, tour (?) tous aussy quitteront à la fin, la guerre particulairement en ce pays ne se pouvant faire sans argent contant qu'il faut desbourser pour la moindre chose.
Monsieur le duc11 s'en va remettre tout à fait et en peu de iours viendra à Coira pour changer d'air et avec ceste occasion finir le traitté avec les Grisons s'ils le vourdront accepter.
On dit que le roy12 a fait quelque changement dans le premier, voulant obliger les Grisons qu'ils ne demandent leur tribut des Voltolins mais du roy qui le veut payer, de quoy ils ne sont pas contants aussy bien que de beaucoup d'autres points touchants l'appellation au criminel et l'habitation des protestans dans la Voltoline de laquelle - chose estrange - ils sont forclos. Miror certe consilia Galliae quo ducantur genio, quod adeo rigide Foederatos suos Rhaetos tractare audeant, subque specie restitutionis tractatum Monsonensem eis obtrudant. Sed dni. isti (?) terrestres faciant quod volunt.
En Italie les François sont réduits au petit pied et au lieu de conquérir le Milanois se contentent d'estre en seureté dans le Monferat, laissant le pauvre duc de Parme13 aux extrémités. Tout son pays est occupé par les Espagnols, et luy a gran peine sauvé à Piacenza, qu'on commence à assiéger, et si les François ne
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l'iront secourir ils perderont leur crédit et feront apprendre aux autres princes d'Italie de ne se fier pas tant en leur protection.On croit que le duc de Savoye14 demande la neutralité et estant plus Espagnol dans son coeur que François il ne tardera aussy à faire sa paix avec luy.
Si Dieu veut tout peut changer de face pourveu que le roy remédie à bon heure aux désordres qui se sont fourrez parmy ses armées.
Je demeure, monsieur,
Vostre serviteur très humble
C. Marini.
Ex loco noto, 4/14 d'8bre 1636.
In margine: On m'escrit de Costantinople des préparatifs formidables du Turc15 en Asie et Europe contre le prince de Transyl:16 ou la Poulogne, dont ie vous faire part par le prochain ordinaire.
In dorso schreef Grotius: Marini 14 oct. 1636.
Boven aan de brief: Receu le 28 de sept. (sic) 1636.