Monsieur,
Nos Suisses ont bien refusé unanimement tant la conjonction de leur forces que des levées aux ambassadeurs de l'empereur2 qui ont esté dans la dernière diète de Bade3, s'estans excusés bien à propos sur ce qu'ils ont besoin de leurs gens pour la défence de leur patrie et qu'ils4 ne se veulent mesler aucunement de ceste guerre, qui ores se desmène parmy les gran monarques. Mais l'effect nous fait voir clairement que du costé de[s] cattoliques on y contrevient en ce qu'ils connivent que les Espagnols puissent lever des gens en Suisse, come à Bade et ailleurs parmy les romanistes, et qu'ils ne s'opposent qu'on fortifie Constance sur leur territoire contre les anciennes conventions que les Suisses ont avec l'Austriche, oultre qu'ils sçavent fort bien que le conseil de guerre de l'empereur a donné ordre fort rigoureux à la régence d'Insprug5 qu'on poursuive la dite fortification à toute oultrance quoyque les Suisses disent au contraire. On croit aussy qu'ils voudront fabriquer une nouvelle forteresse auprès de Reintal, qui est soubs la jurisdiction6 des Suisses, à quoy ne s'opposant point les romanistes, ils sont méritoirement suspects d'avoir des intelligences en cest affaire avec les Espagnols et ne cercher autre chose que d'enfermer les protestans en telle manière de tous costés, que quand il sera temps on leur puisse donner sur la teste. Non obstant tout cela nos protestans ne le veulent croire et en peu de temps s'assembleront avec les cattoliques pour délibérer d'une commune défensive, que les papistes recerchent, non pour autre suject que pour les endormir et destourner d'une défensive apart craignans la France, qu'ils ont en beaucoup de manières offencée et contre laquelle ils se veulent renforcer par la conjonction des protestans, qui à mon advis n'y consentiront pour plusiours raisons. Les trouppes en Tyrol sont encor en petit nombre jusques à ce que Hazfeld7 e Ghil de Has8 viennent avec leur 5 ou 6 mille hommes allemans.
Pour le gran seigneur9 à présent on n'en peut rien juger, ayant esté toute sa vie enfermé dans le serrail, mais ces princes se font par l'addresse des passas qu'ils ont autour de soy et qui ne manquent à ce qui est pour leur instruction. Quelques-uns escrivent qu'ils s'en veut à Poulogne y ayant desià despeché quantité des Tartares, qui doivent avoir desfaits les Poulonois. Ce qui en est, nous en sçauront bientost, aussy bien ce que résouldront les Grisons sur les propositions d'Inspruk assemblés desià à Coire, ceux d'Engadine basse faisant des gran instances qu'on ne les accepte pas.
I'y joinct ce que i'ay de Milan10 du siège de Casal, dont les Espagnols croyent pouvoir venir au but, car on dit qu'il y a peu de gens pour pouvoir défendre à la longue une telle place.
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Ie m'estonne que ces descomtes tardent tant à venir et que monsieur Heuf11 me laisse icy en telle peine. Ego sane aliis serviendo me consumo neque certus sum de remuneratione, puisqu'on ne me donne ce qu'on me doit. Ie prie Dieu qu'il me délivre une fois de telles peines, qui me consument peu à peu.
Ie demeure, monsieur,
vostre serviteur très humble
C. Marin m.s.
De Zurig, ce 15 d'Avril 1640.
Nos protestans ont escrit au roy en reccomandation du prince électeur12, mais c'est trop tard à mon advis.
In dorso (van de bijlage) schreef Grotius: 15 Aprilis 1640. Marin.
En boven aan de brief: Rec. 9 Maij.