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Monsieur,
I'attens chasque samedi, auquel iour arrive l'ordinaire de Paris, avec gran impatience vos lettres, espérant tousiours qu'elle me porteront des bonnes nouvelles touchant mon particulier, mais vos dernières du 8 courrant2 ne m'en donnent encor aucune espérance et ie ne sçais si ie pourroy demeurer icy à la longue si quelque argent ne me vient dans un mois, car vous ne sçauriés croire quelle peine il me faut subir3 pour trouver de l'argent parmy les marchands suisses.
Les Espagnols se renforcent fort dans le Milanois et font estat d'avoir bientost 18 mille hommes et vanger la méchanceté des Monferins, dont ils se pl[a]ignent que par leur moyen ils ont pâti. Cependant nous iouissons en nostre voisinage d'une bonne paix, laquelle ces iours passés ayant voulu troubler les garnisons de Lindau, Zell, Fellinghen, s'estans à celle fin acheminés un nombre de 400 à pied et 60 chevaux aux environs de Brisac en intention d'y piller et butiner, ils ont esté si bien estrillés par le colonel Kanovsky4, gouverneur de Friburg, qu'avec perte de leur gens et chevaux ils furent repoussez dans leur quartiers, dont nous attendons demain plus de particularitez. Nos cantons romanistes sont aussy, praeter Soloturn, paisibles pour ce qu'ils voyent que les protestans ne veulent tirer à une mesme corde come eux.
L'empereur envoye le comte Kurz5 à Nurnberg pour y assister le baron Haubiz6, qui n'est pas trop capable de manier le conseil d'Espagne, et l'empereur doit venir à Regensporg dans quinze iours.
Il vaut la peine de vous dire, que le feu duc de Fridland7 ayant mis autresfois d'intérest quelque tonnes d'or à Venise, l'empereur ne les en a peu retirer sans qu'il acordast au doze de Venise8 la préséance devant les électeurs de l'empire; ce qui à la fin leur ayant esté ottroyé par un brevet, qui par après fut notifié à l'électeur de Mayence dans la dernière diète de Ratisbonne9, lorsqu'il estoit prest à partir, il l'a dissimulé; mais en ceste diète de Nurnberg, en ayant conféré avec les autres députez, on nous escrit que d'un commun consentement du collège le brevet ait esté entièrement cassé et là-dessus lettres escrites à l'empereur pleines de remonstrance contre ces nouveautés, en suite que l'empereur est contraint de s'en excuser vers les Vénétiens, exhortant le doge à cercher ce qu'il désire au collège électoral, que quant10 à luy il en sera content pour sa personne. Cependant, l'empereur a retiré les deniers de Venise et en a receu encor de plus de messieurs les Pantalons11 pour leur avoir donné ce privilège qu'ils voyent à cest'heur annullé.
I'y joints ce que i'ay de Rome12 avec mes reccomandations acoustumées d'estre passionnement, monsieur,
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tout le vostre
C. Marin ms.
De Zurig, ce 14 de May 1640.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 1 Iunii.
En in dorso: 14 Maii 1640. Marin.