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Monsieur,
Vous me donnez encor peu d'espérance touchant mon contentement par vos dernières du 22 de May2, ce qui me fait escrire dereschef à monsieur Strasburg3 et si ma santé et la despence grande qu'il faudroit faire sur ce voyage de Suède ne m'empêchoit point, ie partirois d'icy tout incontinant, car de continuer de celle façon ma charge icy après avoir servy sept ans entiers avec telle fidélité et despenc[es], c'est de me précipiter en une totale ruine et perdre avec cela toute ma réputation parmy ceste nation. Ie voy que tous les autres ministres icy sont bien payés; aussy est-ce raisonable, puisqu'ils doivent maintenir la réputation de leur maistres. Moy seul suis icy maltraitté, mon gage me demeurant en arrière pour vint et six mois.
Les députés grisons4 sont à la fin partis pour Inspruc, où ils sont arrivéz et receus avec honneur, ayans quelque espérance d'une modération du traitté dernier fait avec l'archiduchesse de Tyrol5 qui s'accomode au temps. Vous sçavez que les François ont tué dans un fort gagné par force auprès de Turin 300 Grisons et fait autant des prisonniers, ce qui donne bien de l'espouvante aux chefs espagnoliséz qui voyent que Harcourt6 ne les traitte si doucement come monsieur de Rhuan7 et appréhendent plus gran mal, tant du peuple du pays que de la France qu'ils voyent ne se soucier pas d'eux aucunement, comme ils ont creu qu'elle feroit.
Mille hommes à pied passent de Tyrol à Milan par la Voltoline, où les estappes estoyent desià faites il y a 8 ou dix iours et crois que jusques à ceste heur ils seront dans le Milanois, où les Espagnols sont desià en campagne plus forts qu'auparavant et tâchent de secourir le prince Thomas8 à Thurin.
Ie vous reccomande cy-joincte à monsieur Strasburg que ie vous envoye ouverte et demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin ms.
De Zurig, ce 28 de May 1640.
On parle fort d'une bataille que Banier9 doit avoir gagnée sur Piccolomini10.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 21.
En in dorso: 28 Maii 1640. Marin.