Monsieur,
Je vois par vostre très aggréable du 10 courrant2 la continuation de vos bons offices, qu'il vous plaît faire pour moy, qui vous en auray de l'obligation perpétuelle, dont ie m'en revancheray à son temps et lieu et souhaitte avec impatience de voir bientost les effects de tant de sollicitations pour le payement de mes arrière-gages, la détention desquels si longue me cause certes de gran incommodités, surtout à ceste heure, que ma femme3 est grosse et me tient icy accroché par force sans que ie puisse m'en aller devant ses couchées.
Après la prise d' Enghen par monsieur d' Erlach4, où il a fait prisonniers plus de cent
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hommes qu'on a emmenez à Hohetvil, il s'en est retiré vers Brisac, pendant que d'autres trouppes commencent à paroistre auprès de Fillinghen avec desseing de gaster la raccolte de Brisac et Hohetvil et faire quand et quand quelque diversion auprès du Rhin, un amas de gens se faisant de nouveau pour cest effect tant en Allemagne qu'en Tyrol. Et ce qui plus nous le fait croire, c'est l'envoy d'un député baslois5 venu icy il y a quatre iours, qui a descouvert au sénat d'icy des lettres par lesquelles on advertit ceux de Basle de se tenir bien sur ses gardes, parce que l'empereur et le roy d' Espagne ayent résolu dans leur conseil de surprendre à son temps leur ville, qu'ils croyent non sans sujet fort propre pour le recouvrement de Brisac que les Austrichiens ne peuvent souffrir entre les mains des François et qu'on y veille tuer tous les masles pour y colloquer par après une autre génération, qui fust plus fidèle à la maison d'Austriche. Pour à quoy remédier il a demandé l'entretènement d'une garnison aux despens de tous les protestans, ceux de Basle ne le pouvant faire seuls pour estre trop espuisés de l'argent qu'ils ont employé durant vint ans sur des soldats estrangers qu'ils avoyent continuellement entretenu à ses despens pour la conservation de leur ville. Lunedy passé il est party d'icy vers Soleure pour faire la mesme ouverture à monsieur l'ambassadeur de France6 et messieurs les Suisses protestans s'assembleront bientost à Arau7 pour délibérer sur ce suject-là, qui importe fort à toute la Suisse, sans laquelle on cerche d'allumer la guerre à quel prix que ce soit et si elle se fait, voilà ces messieurs soubs le joug non plus ne moins que les Grisons, tant sont ils abastardés et combattus de mille maux intérieurs que la paix convie.Les Grisons sont assemblez à Coire et nous verront quelle résolution qu'ils voudront prendre sur les prétensions de l'archiduchesse de Tyrol8 qui ne fait rien sans advis des Espagnols.
Leghanès9 a esté repoussé du fort de Valentin, qu'il avoit attaqué avec perte de 500 et d'autant de prisonniers, mais Carlo de la Gatta10 a forcé celuy de la Purpurata, estant entré dans Turin avec ses gens et on tâche d'y introduire aussy des vivres si les François ne l'empêchent, le secours estant desià arrivé à Pinerol. Le porteux nous en esclaircirla et faira paroistre la vérité de ce que les François publient à leur advantage, que les advis d'Italie modifient.
Je vous baise les mains et demeure, monsieur,
vostre serviteur tout à fait acquis
C. Marin.
De Zurig, ce 15 de Juillet 1640.
L'armée navale du Gran Turc11, qui se porte bien, paroit sur la mer Mediterranée avec 40 galères et donne de la jalousie à Naple et Sicile.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 7 Aug.
En in dorso: 15 Iulii 1640. Marin.