Monsieur,
Vous aurez appris desià les conditions de la reddition de la ville de Turin2, qui sont assez honorables pour le prince Thomas3, qui attend à ceste heure dans la ville d'Inuvrée la responce du roy d'Espagne sur les ouvertures d'un accomodement avec madame de Savoye4. Il est fort fâché contre le marquis de Leghanès5, qu'il n'ait secondé de dehors sa dernière attaque qu'il avoit fait sur le camp françois le 15 du courrant, car on croit qu'il luy eust réussy de sauver pour le moins sa personne, sans capituler sa liberté avec les François. Mais Leghanès s'excuse sur ce que l'advis ne luy en estoit venu à temps, encor que d'autres croyent qu'à desseing il n'ait voulu hazarder le reste de ses trouppes en ayant besoing à maintenir les autres places et empêcher plus gran progrez des François, qui pour le présent se peuvent reposer un peu sur le bon homme ayans assez fait ceste année, qui leur a esté fort heureuse; et si Bannier6 fait cependant quelque bon coup contre Piccolomini7, nous voilà arbitres de la paix générale que la maison d'Austriche sera contrainte d'accepter plus raisonable de ce qu'elle croit.
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Le roy d'Espagne recerche la paix avec le gran Turc8 et veut-on qu'il l'obtiendra si la guerre contre le roy de Perse9 va en avant, car il ne sçauroit autrement maintenir le domaine sur la mer Méditerranée ayant à ceste heure assez à faire avec des Cosaques polonois, qui font des continuelles courses sur la mer Noire. D'autres disent que le gran ambassadeur de Perse10 est en chemin pour venir à Constantinople et ratifier ce que le petit11 a conclu avec la Porte, où pareillement sont attendus les ambassadeurs de Venise tant ordinaire qu'extraordinaire12.
Ie vous supplie de me communiquer ce que contiennent les traittés que nous avons fait avec le duc de Luneburg13 et en quoy consiste l'alliance de Suède avec la France14 les discours en estant icy fort divers.
De l'affaire du Jean de Vert15 monsieur Mukel16 me presse tousiours et i'en attend vostre advis au plustost. L'attente de l'argent me fait languir et perdre tout mon honneur parmy ces gens icy et ie ne puis comprendre, quelle façon est ce de me traitter en sorte ayant mérité autre récompense.
Les trois mois qu'on a assigné aux exilés de la Voltoline pour dans iceux pourvoir chasque année à leur intérests commencent à passer sans que i'y puisse pourvoir à cause de mes deubtes, qui m'empêchent de faire ce qui est avantageux pour ma femme17 encor malade et en tel concours de maux il ne seroit pas estrange que ie tombasse plus malade qu'elle ayant tout sur mes espaules.
Ie demeure, monsieur,
tout le vostre
C. Marin ms.
De Zurig, ce 24 de 7bre l'an 1640.
Si vous sçavez quelque secrétaire de qualité en Suède avec lequel ie pourrois correspondre, ie vous prie de me dire son nom, car monsieur Camerarius18 m'a escrit une fois qu'il y en a un auprès de la reine, homme fort de bien, du nom duquel ie ne me souvient plus. Messieurs Smalz19 et Schvalick20 sont trop paresseux en cest office de correspondance.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 18 Oct.
En in dorso: 24 Sept 1640. Marin.