Monsieur,
J'ay bien receu vos tres aggreables du 22 et 29 du passé et en responce d'icelles vous diray que le cardinal Bichi, estant arrivé à Venise,2 continue à disposer la Republique au traitté de paix qu'on doit bientost entamer sur le Mantouen;3 mais parce que l'un et l'autre party ne songe qu'à faire des levées et amasser argent de tous costés, on en espere autant que de ceux de Münster qu'on dit estre rompus par l'attaque du pays de Holstein par nos Suedois, qui ont jugés d'estre à propos de prevenir le roy de Denemarc que d'estre par luy prevenus, ayant voulu envahir la Suede à ce qu'on publie. Pour moy, j'en demeure avec tous icy fort estonné4 et prie Dieu qu'il en veuille donner une bonne issue à la Suede, et à moy meilleure fortune à son service que je n'ay pas eu jusques à present, estant reduict à un estat tout à fait pitoyable, et ne sçay comprendre le mystere de ce qu'on me laisse en ceste charge sans moyen de la pouvoir soustenir et qu'on ne m'en relache en me donnant mon honneste congé.
Il faut que j'attende encor icy le prinstemps pour voir si on me voudra accommoder à Benfeld5 ou autrement. Car sans cela il me faudra partir d'icy honteusement et mandier le pain par le chemin pour arriver jusques en Suede, si la goutte ne m'en empeche. Ma femme6 n'a rien icy que des deubtes que j'ay faites depuis quatre ans en ça. Je vous asseure, monsieur, que j'en suis bien en peine et si je ne me consolois en Dieu et en sa providance, je serois desja mort de regret. Je ne doubte pas que vous n'ayez point de vos difficultés, mais puisque [vous] avez cest advantage de pouvoir tirer vostre payement de l'argent de France vous-mesme, vous feriez une oeuvre de charité de m'assister de deux cent dalers ou y disposer monsieur Heuf, qui par sa mesfiance offence la Suede.7 Du ba-
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ron d'Ochsenstirn je ne puis avoir de responce, ny de monsieur Salvius8 qu'on dit estre retourné à Münden.9 Aide[z]-moy donc, s'il vous plait, en ma necessité et Dieu vous en recompensera d'ailleurs.Jean de Vert est à Costance10 et fait bloquer Uberlinghen, ayant desja pris la Montagne Sainte11 proche de là. Si monsieur de Turraine12 pouvoit secourir la place, il seroit fort à propos, car l'ennemy n'y est pas trop fort.
Je me reccommande à vos bonnes graces et vous supplie de m'assister de vostre conseil en ce que je dois faire, car icy il est impossible que je puisse demeurer plus, mes creanciers estans desja las de me fournir tousjours de l'argent. Je demeure, monsieur, tout le vostre,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 4 de Jenvier de l'an 1644, que je vous souhaitte plein de prosperité avec toute vostre famille.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 29 Ian. 1644.
En in dorso: 4 Ian. 1644 Marin.