Monsieur,
Je ne doubte pas qu'à Munchen2 on ne brasse de grandes entreprises, tant contre la Suede que la France pour les destourner de la guerre d'Allemagne et à celle fin on veut que l'empereur ait deliberé d'envoyer au roy de Denemarc un secours de X mille hommes, et si les Bavarois peuvent, ils ne manqueront de troubler la Suisse par le moyen des Petis Cantons en y transportant de mesme la guerre et obligeant la France de renvoyer toutes les trouppes de la Suisse au secours des protestans, qui ont achevé leur[s] prieres generales faites en grande devotion partout. Uberlinghen est assiegé fort estroittement,3 et on commencera à travailler la place par des bombes et le canon. Je n'ay pas aucun advis de ce que [vous] me mandez par la vostre du 7 de ce mois4 que le vaivoda de Valachie5 auroit envahy la Transylvanie, mais bien que les Transylvains, ayant voulu porter des vivres dans Olmiz, ayent esté battus par chemin par le comte de Buchaim.6 Il seroit à desirer que Rakozy fust desja en campagne en nostre faveur,7 mais je me doubte qu'il ne manque à ce qu'on attend de luy.
La paix d'Italie n'est pas encor faite,8 et les levées qu'on continue de part et d'autre en donnent peu d'esperance. Il semble qu'il y a un esprit d'estourdissement parmy les chrestiens, tant sont-ils combattus par des passions l'un contre l'autre, au gran[d] con-
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tentement du Turc.9 L'empereur a reproché aux protestans par son agent, le colonel Zveyer, qui est un Suisse,10 qu'on fournit des vivres aux François contre l'obligation qu'ils tiennent avec l'Austriche et l'Empire, mais ils s'en excusent le mieux qu'ils peuvent, disans qu'on ne peut empecher le marché de bled qui est permis à tous dans leur pays. Le passage des Venetiens11 s'accroche encores sur les difficultés dont je vous ay escrit par mes precedentes, ce qui les obligera à accelerer leur paix s'ils peuvent avec le pape, qui se porte mieux, mais sans esperance de vivre si longtemps comme il s'est imaginé.La responce touchant la residance de Benfeld12 tarde trop et me tient en irresolution de ce que je dois faire, me trouvant icy en un fort pauvre estat et ressemblant plus à un desesperé qu'à un homme de sens rassy. Dieu m'en console d'ailleurs et vous conserve en sa sainte garde, moy demeurant, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 16/26 du Febvrier l'an 1644.
Les levées qu'on fait en Alsace vont fort lentement,13 surtout a-[t]-on grande faute de l'infanterie, les Suisses ayant defendu à leur[s] sujets de ne servir point en Allemagne contre l'Austriche.14 Je crains pourtant que les François ne seront si forts comme ils publient.
Je vous prie de m'esclaircir si les Estats d'Hollande ont fait l'alliance avec la Suede comme quelques-uns escrivent et ce qu'aura proposé le nouveau deputé, envoyé à La Haye de Stokolm,15 à ce qu'on dit, touchant cest affaire.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 18 Maert.
En in dorso: 16 Febr. 1644 Marin.