Monsieur,
J'appren[ds] par la vostre du 23 de ce mois2 que vous tenez la paix d'Italie pour faite, comme font aussy ceux qui y sont interessés, tant le desir de l'avoir est grand à Venise et à Florence, tout le monde se confiant en la prudence du cardinal Bichi, qui est allé à Rome3 en esperance de faire signer au pape, qui est hors de danger de sa vie, ce qu'il a arresté à Venise avec les princes colliguez. Mais pour moy, je ne vous en sçaurois encore donner ceste nouvelle pour asseurée, puisque la bonne ou mauvaise fortune d'Italie pour la paix ou la guerre depend entierement des oracles de Rome, qui ne parlent pas encores clair, et les Barbarins disent ouvertement de ne craindre rien de la ligue, et que tant que le duc de Parme ne donne satisfaction à la Chambre apostolique ils ne rendront point Castro.4 Et la surprise qu'ils avoyent tramé sur Figarola,5 où on devoit prendre prisonniers tous les chefs avec le provediteur general, tesmoigne bien qu'ils ont peu de vo-
212
lonté pour la paix, se pourvoyant d'ailleurs de tout ce qu'ils leur faut pour une grande guerre, dont le chef doit estre le duc de Bouillon.6 En peu de jours nous y verrons plus clair.Je vous envoye cy-jo[i]ntes conditions7 que les chefs grisons ont accordées au residant de Venise, mais tous les communs ne les ont pas encore signé; surtout la Ligue grise, qui est cattolique, s'y oppose vertement, et le passage par la Suisse demeure tousjours serré. Ces jours passés 80 chevaux et vint fantassins venetiens, levés par le baron Copet,8 voulant passer à Costance, sont venus de nuict loger dans un village au dela du Rhin aupres de Stein appartenant à ceux de Zurig, mais ils furent tous surpris par une partie du gouverneur de Hohetvil,9 qui en a tué 2, blessé huict, le reste emmené prisonnier à Hohetvil, le reste estant echappé à grande peine. Ce canton-cy s'en offence grandement en ayant escrit fort vivement10 tant à Hohetvil qu'à l'ambassadeur de France, et escrira aussy à Brisac, car veritablement on devoit porter plus de respect à leur territoire. Tout cela se fait en haine du baron Copet, qui a desgousté la France, dont il est suject, Rakozy11 assiege Caschau et Epperen en Hongrie, et on dit que l'empereur rappelle‹s› ces trouppes d'aupres d'Uberlinghen tousjours assiegé.12
Quant à vos esperances qu'il vous plait me continuer touchant mon payement, je vous en remercie, mais n'ayant point de responce ny de monsieur Salvius ny du baron Ochsenstirn,13 il faut que je parte d'icy14 et cerche mon fait en Suede, n'ayant plus de moyen de vivre icy que cinq ou six sepmaines.
213
Je demeure, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 29 du Febvrier l'an 1644.
N'estoit que je crain[s] la goutte ce mois de Mars ou d'Avril, je partirois d'icy devant le mois de May, auquel j'espere d'estre aupres de vous si on ne me contremande entre cy et là.
Si vous avez quelque vent de ce qu'on aura resolu de la residance de Benfeld,15 je vous supplie de m'en advertir et quelle esperance qu'il y a pour la paix avec Denemarc.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 24 Martii.
En in dorso: 29 Febr. 1644 Marin.