Monsieur,
J'ay bien receu la vostre du 27 passé2 et attend avec impatience et gran incommodité de mes affaires l'arrivement de ces descomtes, qui tardent tant à venir, craignant tousiours qu'ils ne réuscissent au contentement de monsieur Heuf3 et que partant ie ne demeure court icy plus longuement que ie ne sçaurois attendre, ayant sept bouches à nourir oultre les autres despences. Ie m'estonne de plus en plus qu'on fait si peu d'estat de moy, qui suis icy en chargue publique et où les autres ministres des princes sont si bien payés et traittés. Oultre ceste difficulté il y a celle de la Voltoline, où les affaires de ma femme4 et d'autres protestans vont tousiours empirant. I'aurois bien besoin d'un bon conseil, ne sçachant à quoy me résouldre et la despence ... giante avec la peine estant trop grande pour aller en Suède et y cercher en personne ce que ie ne puis obtenir par tant de sollicitations.
Cecy s'anaigrit d'advantage par le mauvais bruit qui court icy et en Italie de nos affaires en Boïme que Banier5 doit avoir quitté et y receu quelque eschec, dont on fait de gran resiouissances à Milan et parmy les petis cantons, encor que ie n'en croye rien jusques à ce que i'en sois plus esclaircy d'ailleurs. Ainsi toutes mes espérances s'en vont en fumée et
196
ie perd de tous costés. A la fin la nécessité me contraindra de pourvoir autrement à mes affaires, que ie n'ay point fait jusques à cest'heur.Si vous avez veu le prince électeur6, ie vous supplie de m'en dire vostre advis s'il a des qualités dignes de sa naissance, les opinions en estant diverses, et ie ne crois pas que le roy d'Angleterre le puisse assister deuement, tant qu'il voudra faire la guerre aux Escossois, les députés desquels7 i'appren qu'ils n'ont peu avoir audience de sa Majesté jusques à présant, et que le conseil du roy est tout à fait porté pour le roy d'Espagne.
Icy nous sommes en attente de l'armée impériale et espagnole auprès du Rhin que Hazfeld8 doit commander, et dans les 4 baillages sont arrivés deux régimens d'infanterie et un de cavallerie du marquis de Dogliani9 qui en doit prendre possession au nom du roy d'Espagne, dont les dites seigneuries sont fort effrayées pour ce que sur la promesse, que l'archiduchesse10 leur avoit donnée, qu'ils en seroyent exempts en payant 40 florins, après les avoir desboursés ils s'en voyent trompés, estans à cest'heur contrains de loger lesdits régimens. De ceux de Costance on demande 1600 florins de contribution par chasque mois et oultre cela qu'ils acceptent une garnison de 200 hommes et facent fortifier la ville du costé de la Suisse où le mareschal Horn11 l'avoit par cy-devant assiégée. Le sénat s'excuse fort sur l'impossibilité et le préjudice que les Suisses en tireroyent, leur conventions qu'ils ont avec l'Austriche ne permettans point qu'on fortifie ceste ville sur leur territoire. Mais nonobstant tout cela, les Austrichiens poursuivent l'un et l'autre et les Suisses sont âpres à consulter ensemble sur une défensive générale, tant de protestans que des cattoliques, qu'un colonel Friburgeois nommé König12 a projetté dans la dernière diète13 et qui à mon advis n'aura point d'effect pour plusiours raisons.
Les Grisons s'assembleront après les Pasques pour donner leur advis sur le traitté d'Inspruk14, qui sans doubte sera accepté par force. Ie demeure, monsieur,
tout le vostre
C. Marini.
De Zurig, ce 2/12 d'Avril 1640.
J'ay mis la lettre du baron d'Oxenstiern15 dans le paquet de monsieur son père16; ie crois qu'elle sera asseurée.
I'appren que les Espagnols ont investy Chivas et pris quelques postes auprès de Casal qu'ils disent qu'il est à eux y ayants des intelligences.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 26 April.
En in dorso: 12 April 1640. Marin.