Monsieur,
Je n'ay point receu de vos lettres par cest ordinaire passé, vivant pourtant en gran perplexité de ce que deviendra mon affaire avec monsieur Heuf2, craignant tousiours qu'il ne tira plus à la longue que ie ne sçaurois attendre.
I'ay veu icy en ma maison quelques gentils hommes suédois, qui sont de retour d'Italie qu'ils ont roulé jusques à Naples, tous braves gens et de grande espérance, surtout le comte de Rasboroff et Falckenstein3, qui est, à ce qu'il m'a dit, de vostre cognoissance. Ils ont esprouvé l'avarice des Suisses et la cherté de toute choses qui est icy, et me pourront rendre tesmoignage en Suède come non obstant toutes ces difficultés et la détention si longue de mon gage, ie me maintiens honorablement en ma charge, encor que, avec mon très grand dommage et peu de réputation, que ie suis contraint de le faire de l'emprunt avec mille difficultez, ausquelles continuant si longtemps il faudra que ie remédie par quelque résolution plus profitable à moy, que ie n'ay point fait jusques à présent, estant chose du tout insupportable qu'on m'abbandonne icy en charge publique sans avoir esgard à ma fidélité et à mes pertes que ma charge me cause, sed querelis nihil profuturis(?) oportet, ut a Deo et tempore ejus remedia expectem.
Sur la vive remonstrance, que ceux d'Engadine ont faite à messieurs de trois ligues touchant le traitté d'Insprug4, on y a derechef envoyé d'autres députez5 pour cercher quelque modération des points compris en iceluy traitté, surtout qu'on ne traitte pas les Engadins en sujects, qui ne le sont pas, et que les capucins n'y soyent point restablis, mais ie crain qu'ils n'obtiendront guerre de l'archiduchesse6.
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L'armée de Tyrol ne se grossit pas encor attendant la venue des trouppes de Hazfeld7 et Ghil de Has8, dont on pense pouvoir composer un corps de 12 mille combattans, mais tout cela va bien lentement et devant le mois de juin ils ne sçauroyent se mettre en campagne. Cependant on continue à fortifier la ville de Costance non obstant toutes les remonstrances des 6 cantons de la Suisse qui sont maistres de la Turgovie, dans lequel territoire Costance est située. Ils en ont escrit à Inspruc à l'archiduchesse, mais ie crois que tout cela sera en vain, pui[s]que les cattoliques y connivent et les Austrichiens peuvent tousiours s'excuser comme ils font sur ce que les Zurigois avoit par cy-devant laissé passer le mareschal Horn9 sur leur territoire pour assiéger Costance.
On escrit de Bergamo que les Espagnols ont receu quelque eschec devant Casal d'où le gouverneur10 doit avoir fait une bien gagliarde sortie en ruinant leur ouvrages, dont nous attendons plus de certitude. Du despuis que ce siège a commencé, le gouverneur de Milan11 tient son agent ordinaire12 auprès la duchesse de Mantoue13; le mesme font les Vénitiens14, qui en sont jaloux et ont donné ordre à son ambassadeur à Rome15, qui estoit sur le point de s'en aller malsatisfait des Barbareni16, d'y demeurer formé pour quelque temps. L'ambassadeur de Savoye17 craint grandement pour Casal y ayant peu de gens et de munition et si les Venétiens ne s'y opposent à force ouverte, on craint que les Espagnols n'en viennent au but.
I'y joints ce que i'ay de Rome18 avec mes reccomandations accoustumées demeurant à jamais, monsieur,
vostre serviteur très obligé
C. Marin m.s.
De Zurig, ce 23 d'Avril 1640.
On descrie icy dereschef quelque eschec, que les Suédois doivent avoir receu en Saxe par les impériaux, dont ie suis certes fort en peine.
Onder aan de bijlage (no. 8): Je vous reccomande cy-joincte à monsieur Strasburger19, lequel ie presse dereschef pour mes intérêts.
In dorso schreef Grotius: 28 April 1640. Marin.