Le courrier de monseigneur le comte de Harcourt2 est arrivé depuis une heure. La victoire est beaucoup plus grande que la première nouvelle n'avoit fait entendre3. Les ennemis ont perdu six mille hommes, quatre mille cinq cens tant tuez que noyez et quinze cent prisonniers, entre lesquels se treuvent trois offitiers principaux, le commissaire général, les généraux de la cavallerie et de l'infanterie et plusieurs colonnels, mestres de camp et capitaines4. Ils ont perdu tout leur canon, huit qu'on leur a pris, le reste ils l'ont jetté dans le Po; tout l'équipage et tous les offitiers de l'artillerie et tout le bagage du quartier du marquis de Léganez5, lequel s'est retiré à Verceil dans le couvent des pères capucins. Nous avons perdu huit cens hommes.
L'armée du roy revenant de Casal a pris le fort de Foix sur son passage. Et la ville de Quiers, où elle est maintenant, a envoyé les clefs à monseigneur le comte de Harcourt par députez dix lieues au-devant de luy. On a laissé encores mille hommes dans Cazal et on songe à battre Thurin.
J'ay appris depuis que le prince Thomas6 a perdu toute sa vaisselle d'argent comme aussy le marquis de Léganez avec son carosse et quarente mille pistolles en espèce. Deux secrétaires7 dudit marquis se treuvent entre les prisonniers et ont esté pris aussy avec eux tous les papiers d'importance. Nous avons perdu mille hommes pour le moins entre lesquels on nomme le fils de m.r du Tremblay8 qui estoit lieutenant aux régiment des guardes dont il y a dix compagnies en Italie. On adjouste de plus que beaucoup de gens de guerre de l'armée ennemie ont pris party sous m.r le comte de Harcourt. I'ay veu une lettre de m.r de Guron9, capitaine de cavallerie, qui mande qui va attaquer Turin.
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Ce lèvement heureux de ce siège et deffaitte des Espagnols récompense bien l'eschec qu'a receu la cavallerie de Bannier10 en Voitland.
A Paris de l'hostel de Harcourt.
Le Samedy 12 may à 8 heures du soir.
Adres: Pour monsieur l'ambassadeur de Suède.