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Monsieur,
Je vous remercie du livret latin2 auquel je trouve plusjeurs choses utiles à l'Allemagne. Il seroit à souhaitter que plusieurs de cette nation par des tels discours peussent estre esveillez de leur léthargie. Ie vous remercie aussi de voz nouvelles et serois en peine jusqu'à ce que je sçache où sera allé le marescal Bannier3, qui des alliez l'auront suivi, d'où il aura des vivres et du fourage. L'empereur a eu raison de ne permettre pas que l'affaire vint à un combat général, lequel s'il eut mal réussi pour luy, eut bien diminué son autorité de laquelle il a grand besoing tousjours, mais principalement durant le temps de l'assemblée des estats qu'on va tenir4. Si Hatzfeld et Wahl5 se joignent, ce sera à madame la landgravin6 et aux ducs de Nieuburg et Lunemburg7 d'estre sur leur guardes, et ne se fier pas trop aux tresves et neutralitez. Le prince électeur palatin8 demeure tousjours icy inutile et a envoyé en cour pour sçavoir si le roy trouvera bon qu'il envoye à l'assemblée en Allemagne, principalement à cause que le duc de Bavière semble vouloir venir à quelque accommodement.
Le pape a trouvé moyen par l'entremise des cardinaux Antonio et Biqui9 d'appaiser les différents qu'il avoit avecq le roi, tellement que monsieur d'Estrée10 verra le pape et le nonce Scotti11 le roy, et Mazarini attrappera le cardinalat. Pour l'électeur de Trève12, je croi que sa restitution sera difficile à obtenir.
Le siège est bien mis avant Arras, l'armée de trente mille hommes soubs le commandement des marescaux de Chastillon et de la Millerai13, monsieur le frère du roy14 à
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présent y allant pour avoir le dessus sur ces deux pour éviter leur[s] jalousies. Beaucoup de paysans ont travaillé aux retrenchements qui sont en bon estat. On commance à faire des approches; et pour ce que les ennemis, qui ont une grande armée prez d'Arleux et une garnison bien forte dans Bapaume prenoient quelquesfois de charrettes chargeez de vivres qui alloient de Dorlans au camp, on a envoyé d'Amiens audict camp un fort grand convoi qui a amené de vivres, comme on nous dict, pour six sepmaines. On croit que dans la ville il y a peu de poudre et l'espère-[t]-on prendre avant la fin d'Aougst.Ie voudroi pouvoir dire autant de Thurin, qui nous met en peine tant plus pour ce qu'il semble qu'on cache les vraies nouvelles. L'ennemi devient de jour en jour plus fort par les trouppes de Tirol, de Suisses, de l'Italie. Le secours longtemps attendu par monsieur d'Harcourt15 ne vient pas; les retrenchements de son camp n'estoient point achevez, les vivres qui devoient(?) venir de Pignerol couppez par l'armée ennemie logée à Moncaslier, tellement que plusjeurs croyent que monsieur d'Harcourt avecq son armée se sera retiré soubs la citadelle.
En Catalogne durent les séditions, comme on croit icy; mais je ne voy pas qu'elles soyent appuyées ou par la France ou par l'Hollande. Monsieur de Bourdeaux16 n'est pas encore en mer.
Ie m'estonne qu'en Hollande on a tardé si long temps d'envoyer l'admiral17 en mer. On s'excusera sur les grandes despences de la guerre par terre; mais celle par terre quelquesfois est utile, quelquesfois inutile, là où la conservation de la mer est entièrement nécessaire. Asteure la perte de ces quatre navires18 n'est pas petite, l'appréhension pour celles qui viennent des Indes bien grande, et non pas moins à craindre les mauvaises affections des subiects et officiers du roi de la Grand Bretagne envers les Hollandois. Ie demeure, monsieur,
vostre serviteur très-humble
H. de Groot.
A Paris, le 7 de Julii 1640.
Le grand convoi vers Arras a esté de 3000 charrettes. On augmente cette armée d'environ six mille hommes commandez par monsieur du Hallier19; et on fera des forts entre Dourlans et Arras pour asseurer le passage. Les séditions de Catalogne ne sont qu'à la campagne. Il y en a aussi en France, comme à Dijon et à Moulin. Une sortie de ceux d'Arras, au mesme temps que le grand convoi arriva, a esté bien repoussé. Et on a envoyé au camp 1300 mille livres pour les soldats et les travaux, et quelques pièces de canon. Et on nous dict que le secours pour monsieur d'Harcourt advance de la Bourgogne, de Languedoc et de la Provence. Cependant quatre mille Napolitains sont arrivé[s] à Final.
I'ay peur que le roi de la Grand Bretagne ne prenne plus d'aversion des Hollandois à cause d'un navire qu'on dit estre attrappé portant d'Hollande en Escosse espées et mousquets.