Monsieur,
Je n'eusse pas manqué si longtemps à mon devoir sans la résolution que j'avoy prise de ne vous pas escrire qu'en mesme temps je ne puisse envoyer des nouvelles de mon advancement ès armées d'Allemagne. Mais il tarde plus que je n'avoy espéré par le retardement que m'ont donné certaines lettres de recommandation à madame la landgrave2, lesquelles me devoit envoyer monsieur de Vycquefort3 selon la promesse qu'il m'en avoit faite. Enfin, après en avoir esté assez longtemps en attente, je les ay receues il y a huict jours et les ay aussytost présentées à son Altesse, de sorte que je ne doubte point que bientost elle ne me donne quelque employ.
Il est vray que j'estoy party en intention de me mettre au service du maréchal Banier4, mais deux choses m'en ont du tout destournées, dont la première est la perte de vostre lettre5 à son Excellence, qui m'a esté prise lorsque j'ay esté volé en chemin, et l'autre est le voyage que l'aultre jour j'ay fait d'icy à l'armée lorsqu'elle se disposoit pour aller présenter la bataille aux ennemis. Car là j'apprins des officiers suédois, comme quoy en sept ou huict ans ils n'avoyent pas touché un sol de gage, au moins à ce qu'ils me dirent, outre que monsieur Banier est de telle humeur que bien souvent sans beaucoup de sujet il maltraite ses officiers.
Quoy que c'en soit il estoit aise de veoir qu'il est bon capitaine aux promptes résolutions, qu'à tout moment il sceust prendre lorsque nous fusmes en présence des ennemis, lesquels quoy qu'incomparablement plus forts que nous ne laisseront pas de tesmoigner le peu d'envie qu'ils avoyent de rien hazarder par un retranchement qu'ils
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avoyent fait depuis l'heure mesme qu'ils eurent nouvelles de nostre marche vers eux. De sorte que nous n'y sceumes rien faire que de nous emparer d'une certaine montagne, dont l'ennemy nous eust grandement incommodé, en cas qu'en demeurant maistre il y eust planté du canon. L'armée y séjourna deux jours, au bout desquels monsieur Banier, voyant que Picolomini6 ne faisoit pas mine de vouloir sortir d'aultant qu'il continua tousiours à se retrancher de bien en mieux, fit desloger son armée et l'alla camper à une demy lieue derrier les ennemis, où il se retrancha aussytost en desseing de ruiner peu peu les ennemis, qu'il n'avoit obliger au combat. Pour cet effet on envoya dix compagnies de cavallerie hessienne à Cassel et aultant à Ziegenhain, à fin que les ayant ainsi enfermés entre l'armée et les deux forteresse[s] on les puisse incommoder d'avantage et les faire résoudre ou à ruiner leur armée ou bien à faire la retraite. Le premier succède tout comme on se l'estoit promis d'aultant qu'il ne passe point de jour que dans cette ville seulement on n'ameine cent et parfois deux cent chevaux et aultant de prisonniers.Le comte d'Ebersteyn7 arriva icy avanthyer. Ce sera luy, qui commandera l'armée hessienne.
Si vous jugez que vos lettres ou bien celles de monsieur Polhelm8 à madame la landgrave me puissent servir - comme sans doubte elles peuvent -, je ne croy pas que vous me refuserez de m'en envoyer. Je manqueray pas de vous advertir de temps en temps de ce qui se passera et demeureray cependant, monsieur,
vostre très obéissant fils
D. de Groot.
A Cassel, le 27 d'Aoust/7 Septem. 1640.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 18 Oct.