Monsieur,
J'espère que voz poursuittes pour Dorsten2 auront esté si heureuses comme les miennes pour monsieur le marescal Horn,3 auquel affaire j'ai obtenu du roi tout ce que je pouvois souhaitter.
Les Espagnols, assistez du duc Charles,4 ont une armée de vingt et quatre mille hommes avecq laquelle ils se sont mis devant Aire dans les mesmes retrenchements que les Fransois avoient faict et point applani, à cause de la haste qu'ils avoient eu de se sauver de là, craignant la famine en un pays où l'ennemi tenoit la campagne. Ç'a esté le conseil de monsieur Ransou5 de s'oster de là au plustost. Le roi m'a dict qu'il va vers ces quartiers pour voir, pour qui sera la fortune de la guerre. Sa Majesté rappelle monsieur de Gransé,6 qui avecq quelques trouppes estoit entré dans la Lorraine, et faict venir vers lui la noblesse de Picardie et provinces voisines, espérant d'avoir bientost ensemble trente mille hommes. Un assaut des Espagnols sur la ville d'Aire a esté repoussé; mainctenant ils battent la ville.
L'accord que le roi a faict avecq le duc de Bouillon7 vient fort à propos en ce temps. Et la révolte du duc Charles lui a servi grandement pour obtenir de l'argent et des conditions,
463
entre lesquelles est que le corps du feu comte de Soissons sera enterré avecq ses ancestres et qu'on ne procédéra pas contre sa mémoire et que tout ceux qui ont suivi son party auront leurs biens et liberté de demeurer en France. Le duc de Guise sçachant l'accord s'est retiré de Sedan. L'ambassadeur d'Espagne, Virgilio Malvezzi,8 et un parent de Traumansdorf,9 envoié de l'empereur, ont attendu jusqu'à ce que le duc de Bouillon leur a faict sçavoir qu'ils n'avoient rien plus à faire à Sedan. Ceux de la religion dans Sedan ont acquis la bonne grâce du roi en faisant du bien aux prisonniers Fransois qui ont esté amenez en leur ville. Le petit bastard10 du comte de Soissons a esté tenu au baptesme par madame la comtesse,11 la mère du feu comte, et par le duc de Longueville, et est faict chevalier.Gil d'Has12 mange le marquisat de Baden et croient quelques-uns qu'il se va joindre à Piccolomini, le sieur Erlach13 se tenant coi à Brisac.
On a envoié à La Motte Odincourt,14 qui commande en Catelagne, quatre mille hommes de renfort et à l'archevesque de Bourdeaux15 quatre galères et six navires.
Je demeure, monsieur,
vostre très-humble serviteur
H. de Groot.
A Paris, le 17 d'Aougst 1641.
Monsieur de La Millerai16 avant que partir d'Aire avoit en une rencontre pris sur les ennemis neuf drappeaux et trois cents charots de bagage. En une autre rencontre les François avoient desfaict quatre compagnies Espagnolz naturels.
A Rome l'ambassadeur d'Espagne17 a omis de faire les cérémonies accoustumées au jour de saincte Elisabet, reine de Portugal,18 sur quoi on faict des glosses. Au royaume de Naples on cerche argent par la vente des cultes et offices. Le comte d'Harcourt19 se rend maistre du pays des Langues. Il y a conférence entre les Bourgognons de la duché et de la comté pour le trefve. On nous dit que la capitale imposition que le parlement d'Angleterre a consenti à son roi va à vingt et six millions.