Monsieur,
Vostre lettre du 7e. de ce mois2 m'a esté rendue avec celle pour le bon homme Mr. de Cordes3. Nostre court ne produisant aucune nouveauté remarquable nous avons choisi la voie de nos libraires s'en allant à Francfort pour vous faire response.
Si le Sr. Cramoisy4 a besoin de vostre assistance vous nous obligerez de la lui départir et en sa personne vous obligerez tous les amateurs des livres qui espèrent par son retour veoir quelque nouveauté en cette matière. Vous avez en raison de dire que la prise de Ratisbonne5 arriveroit à nous auparavant la réception de la vostre, cette nouvelle estant de trop grande conséquence pour demeurer si long temps en arrière. Mais ce qui nous a le plus surpris en cette rencontre est le bruit qui avoit couru auparavant du lèvement du siège avec grande déroute des Impériaux, et nous a esté pardonnable d'y avoir esté trompez, Mr. de Lisle6 dont avez ouï parler et qui est de retour depuis un mois de son agence d'Allemagne en ayant receu plusieurs advis qu'il fut porter en grande diligence au roy7 et a Mrs. les ministres, de sorte que cette nouvelle s'espandit par toute la ville comme très certaine; toutesfois Mr. le cardinal8 qui est mieux adverti feit peu de cas de cet advis disant en avoir de contraires. Le pauvre homme a esté si confus depuis qu'il ne s'est osé monstrer, et ayant des gens qui ne lui veulent pas du bien ie creins bien qu'il finisse par là son agence.
Ce succez quoique favorable pour la maison d'Autriche n'a pas beaucoup estonné nos ministres, le roy comme vous remarquez très bien, estant très puissant en hommes et en argent et fort absolu dans ses estats. L'on a fait des recreues tant d'infanterie que cavallerie et outre cela de nouveaux régiments pour s'opposer à ceux qui voudroient entreprendre sur nostre frontière de Picardie, Monsieur frère du roy9 par son dernier traitté avec le roy d'Espagne10 devant faire invasion de ce costé-là. L'on a advis qu'il a donné de l'argent et des commissions pour lever des trouppes, mais que la pluspart des siens les ont refusées. Le roy est encore a Chantilly qu'il doit bientost quitter pour aller à Monceaux.
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L'on travaille au parlement pour mettre fin au procès du duc de Lorraine11, les délais et autres formalitez de justice estants tantost expirées; je crois qu'on lui confisquera son duché de Bar relevant de la Couronne. Le roy a depuis peu interdit tous les officiers en Lorraine et en establit d'autres en leur place, sçavoir une chambre souveraine à Nancy composée en partie du parlement de Mets, et Mr. Rigault12 y tient la charge de procureur général, et un autre à St. Miel, où préside Mr. de Barrillon13, maistre des requestes pour cognoistre des appellations du Barrois. Celle de Nancy aura pour chef le président Charpentier14 de Mets.
Madame de Guise15 a receu commandement depuis peu de se retirer à Florence près de monsieur son mari16, qui est une nouvelle affliction à la maison. Mr. de Baugy17, ambassadeur en vos quartiers, a esté révoqué Mr. le cardinal n'estant pas satisfait de sa conduitte de delà. On ne sçait pas encore qui lui succédera; plusieurs croient que ce sera Mr. de Charnacé, qui est en fort bonne opinion auprès des touts puissants.
Mr. de Saulmaise18 m'a escrit depuis pe(u) comme il commence à recouvrer sa santé par le moien de certaines pilules faittes des extraits des eaux de Spa, de sorte qu'il se remet à l'estude plus que iamais entreprenant un grand ouvrage de re vestiaria19 où il y a apparence qu'il laissera peu à dire aux autres.
Je me resiouis que madame vostre femme et toute vostre famille soit auprès de vous, et souhaitte que le séiour de Francfort soit plus favorable à madlle Cornélia20 que n'a esté celui de Paris, i'entends qu'elle y trouve bientost un mari à son gré et au vostre, estant de toute la maison et de vous particulièrement,
Monsieur,
Très humble et très obéissant serviteur
J. Dupuy.
De Paris, ce 25. Aoust 1634.
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Mes frères21 m'ont chargé de vous faire leurs baisemains.
Mr. le Baron Skytte22 m'a rendu un mot de recommandation de vostre part, vous pouvez croire qu'en cette considération et pour ses mérites nous l'assisterons en tout ce qui nous sera possible.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius à Francfort.
In dorso schreef Grotius: 25 Augusti 1634 Du Puy.