Monsieur,
Il y a désjà asses long temps que ie receus la longue lettre2 qu'il vous a pleu m'escrire du 15 d'octobre dernier à laquelle ie n'eusse tant tardé de respondre, mais je ne receus que fort long temps après, à sçavoir en février ensuivant, le livre de Caselius3 dans lequel i'ay trouvé vostre pourtraict en taille douce qui vous représente fort bien dont ie ne sçaurois assez vous remercier.
Et d'ailleurs i'attendois que le P. Sirmond4 donnast sa response qu'on dict estre imprimée il y a plus de trois mois. Cependant on ne la void poinct s'estant contenté d'avoir poursuivi et obtenu un arrest du Conseil portant défenses de vendre l'Anaereticus5 et que les approbateurs y seroyent adiournez. Sur quoy la faculté de Théologie s'estant remuée l'affaire n'a pas passé plus avant et en est-on demeuré là ce qui a faict penser à plusieurs du commencement que le dict P. Sirmond ne iugeant pas que sa plume fust asses bonne pour respondre avoit voulu employer celle du greffier du Conseil6; mais depuis qu'on a sceu que sa response estoit preste de sortir au iour l'on a dict qu'il l'a voulue faire précéder par cest arrest pour empescher que Aurelius7 ne luy répliquast à la façon de ceux qui font tenir quelqu'un pour le battre plus aisément. Tant y a que de quelque façon qu'on
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le prenne ce bon père n'y a pas grand honneur et son silence donne grand avantage à Aurelius qui n'a rien dict despuis attendant le livre de son adversaire pour y respondre comme n'estant encore las.Au reste i'ay pris grand plaisir en la lecture de vostre lettre où vous aves fort bien distingué les poincts de ces controverses. Mais pour ce qui est de la Confirmation que nous tenons estre un sacrement excuses moy s'il vous plaist si ie ne puis estre de vostre opinion. Car toute l'antiquité tesmoigne asses que l'onction du Chresme n'a poinct esté séparée de l'imposition des mains de l'évesque. Mais pource que durant les trois premiers siècles on donnoit trois sacremens à la fois, à sçavoir le Baptesme qui ne consiste qu'en l'immersion, la Confirmation qui se faisoit par l'imposition et l'onction au front selon Tertulian, S. Cyprian, Prudence8 et plusieurs autres, et l'Eucharistie, quelques uns ont pensé que ceste onction apartenoit au baptesme. Que s'ils eussent pris garde à ce qu'avoit ordonné S. Sylvestre9 que les prebstres pourroyent cresmer au baptesme, ils eussent veu que depuis la multiplication des chrestiens les évesques ne pouvans estre à tous les baptesmes l'on avoit permis aux prebstres ceste onction qui se faisoit ailleurs qu'au front en attendant que l'évesque la peust faire au front ce qui se peut veoir au troisième chapitre de l'Epistre d'Innocent premier ad Decentium10, de laquelle on n'a iamais doubté, où vous trouveres qu'en ce temps-là qui estoit environ vingt ans devant le Concile d'Orenge11 il y avoit double onction de Chresme, à sçavoir celle qui se faisoit par le prebstre immédiatement après l'immersion, non au front, laquelle n'est qu'une simple cérimonie et non sacrement, et celle qui depuis estoit faicte au front par l'évesque après l'imposition de sa main ce qui renverse tout ce qu'a dict le P. Sirmond comme luy mesme l'a recognue ayant dict que Innocent Premier avoit parlé d'une double onction et la response qu'il y faict est si faible qu'elle me faict pitié. Aussi ceste authorité d'Innocent est plus que suffisant pour monstrer que sa leçon du canon d'Orenge n'est pas bonne, puis qu'oultre toutes les éditions imprimées qui sont sans négative lesquelles ont esté faictes sur des manuscriptz il y a encore quelques manuscriptz qui n'en ont pas non plus et où les manuscriptz sont divers et variables, il fault, ce me semble, avoir recours à la practique de ce temps-là et si l'on trouve par tous les autheurs qu'il y avoit lors double onction Chresmale il n'y a poinct de doubte que sa négative par laquelle il veult
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que l'onction fust unique, ne peut subsister en façon que ce soit ce qui est encore confirmé par S. Grégoire en l'épistre 9. du 3. liv.12 où il dict: ‘Presbyteri baptizatos infantes signare sacro in frontibus chrismate non praesumant; sed presbyteri baptizatos ungant in pectore, ut episcopi postmodum ungere debeant in fronte’. Mais à fin que vous voyes à plain toute ceste controverse vous aures avec ceste lettre un petit narré de tout ce qui s'est faict d'une part et d'autre qui vous servira d'inventaire et si en suite il s'imprime quelque escrit, ie ne faudray à le vous envoyer.Si vous esties icy ie vous ferois veoir comme ce canon d'Orenge n'est pur y ayant eu des additions et que ceste clause où le P. Sirmond lit la négation, n'estoit poinct aucunement dans ce canon ce que vous vérifiéres si vous prenes la peine de veoir dans le premier tome des Conciles des Gaules du P. Sirmond le second Concile d'Arles, où au 27. Canon13 vous verres le canon d'Orenge répété qui ne passe pas le mot ‘chrismari’ et dans les Collections des Canons, comme de Regino14 que est encor ms., Burchard et Ivo15, il ne va que iusques à ‘commonebitur’ tellement que l'on n'a qu'à dire que ceste clause n'est du canon ains est partie du glossema que quelqu'un y avoit mis pour l'explication du canon, qu'on prend maintenant pour texte d'icelui, et hoc male.
De faict ie pense que ce canon d'Orenge n'est autre chose que l'introduction de la Constitution de S. Silvestre et de celle d'Innocent premier dans les Gaules16.
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Voilà ce que ie vous puis dire sur ce que m'avies escrit touchant les livres d'Aurelius. Depuis peu on m'a envoyé d'Angleterre le livre d'Husserius Archevesque d'Armach de causa Gotescalki17 dont i'ay esté bien aise. Et i'ay veu icy un livre imprimé à Genève intitulé Dubia Evangelica Spanhemii18 où il y a des choses asses curieuses et entre autres il parle avec honneur sans me nommer de ma recherche sur la Généalogie de Iesus Christ selon S. Luc19 par où i'ay recogneu qu'il l'avoit veue, mais non pas mon Apologie20. Pour Kainan il est d'accord avec moy, mais pour Mathat et Levi il s'en sépare; aussi se force-il pour trouver le nombre de 72 qui est en S. Irénée21 dans le Catalogue en retenant Mathat et Levi ne voulant pas que Ioseph et Adam soyent du nombre et pour ce qu'il a opinion que ceste généalogie de S. Luc est de la vierge Marie et non pas de Ioseph - ce qui est une opinion neuve et non pas fort ancienne - au lieu où l'évangeliste dict ‘Et ipse erat Iesus quasi annorum triginta incipiens ut putabatur filius Iosephi qui fuit Heli’22 il lit ainsi ‘Iesus - qui putabatur filius Iosephi - erat filius Heli’ comme si ce pronom ‘qui’ se devoit référer à Iesus et non à Ioseph, de quoy aucun ne s'estoit advisé iusques à présent. Ce livre est sorti en lumière de cest année seulement dont i'ay voulu vous en donner advis et s'il en vient, je vous en feray tenir m'asseurant que vous serez bien aise de la veoir avec ceste-cy.
Vous aures une lettre de monsieur le président Lusson23. Monsieur Bignon24 que i'ay veu auiourdhuy se porte très bien, grâces à Dieu, et m'a dict que si ie l'eusse plustost adverti il vous eust escrit. Il attend tousiours vostre iugement sur l'Epistre de S. Clément Romain aux Corinthiens25.
C'est tout ce que ie vous diray pour le présent si ce n'est pour vous saluer avec madamoyselle vostre femme si elle est auprès de vous et monsieur Lindenbrog26 désirant que vous me tenes tousiours,
Monsieur, pour Vostre très humble et obéyssant serviteur
Jeh. De Cordes.
De Paris, ce 26e Avril 1634.
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Adres: A Monsieur Monsieur Grotius.
Maria van Reigersberch voegde hieraan toe: met dezen brief is een boucxke ghecommen, dat den prediker u geeven sal moghet van daer antwoorden.
In dorso schreef Grotius: Cordes 26 April 1634.