Monsieur,
J'appren par vos dernières2 l'arrivée de monsieur le comte suédois3 chez vous, dont ie suis fort aise et ne manqueray point de lui escrire par la première occasion, désirant sçavoir le temps quand il fait estat de faire son retour en Suède.
Pour ce qui touche la réunion des églises chrestiennes, ie la souhaitte de tout mon coeur et suis ennemy mortel de ces noiseries de quelque théologiens, qui en plusiours points pourroyent s'accorder honorablement, si leur passions ne prédominoyent en eux. Mais il est du tout nécessaire qu'on lève au préallable les abus qui se sont glissés dans l'église romaine, alias non sublata causa discordiae, non sequetur effectus concordiae, qui à mon advis est plus facile avec les églises grèques, qui ne sont pas tant sujectes à l'idolatrie comme les latins, estans d'accord avec nous quant à la transubstantion spirituelle et sacramentelle in caena soubs les deux espèces, la justification d'un homme pêcheur qu'ils fondent sur le seul mérite de la passion de nostre sauveur et en d'autres points que le concile de Trente condanne et lequel il faut casser, si nous nous devons réunir avec les romanistes. Personne ne sçauroit bien dire ce qui est de la papauté que ceux qui ont expérimenté sa cruauté comme moy et tant d'autres qui avons quitté la patrie, les biens et ce que nous y avons de plus cher pour n'avoir pas voulu abjurer l'évangile, adorer l'hostie et condanner estre faux tout ce que les églises protestantes croyent et lesquelles ils tiennent pour condamnez.
Oultre le mille hommes à pied qui sont passez de Tyrol dans le Milanois on y envoye à ceste heure un régiment de cavallerie de don de Fuente(?)4 qui est de 400 hommes tous braves gens, et si les François ne prennent bientost Turin, il leur pourroit arriver quelque mal, les Espagnols se renforçans de tous costés et ayans desià passé le Po où ils se maintienent et tirent vers le Valentin, empêchant les vivres aux François.
Les députez Grisons5 sont de retour d'Insprug sans aucune résolution, parce que l'archiduchesse6 a tout remis à l'arbitrage de l'empereur, de la résolution duquel il faudra dépendre sans qu'on sçache quand elle sera donnée aux Grisons, qui s'assembleront dereschef bientost à Coire7 pour délibérer tant sur cest affaire que des autres.
I'ay envoyé la copie des affaires de Nornberg8 en Suède et ce que ie vous en ay mandé par mes lettres, ie l'en avois tiré et vous y pouvez adjouster foy comme à chose qui vient d'une personne fort confidante et qui sçait les secrets de ceste assemblée-là!
Les électeurs ont cassé le brevet que l'empereur avoit donné aux Venétiens sur leur prétendue préséance devant les électeurs9 et ie crois qu'ils ont raison en cela.
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Je vous communique la copie de ce que les Escossois ont escrit aux pasteurs protestans en Suisse10, vous suppliant de la faire mettre en net et l'envoyer en Suède, car ie me remets icelle dans mes lettres.
Je demeure, monsieur,
Vostre serviteur tout acquis
C. Marin m.s.
De Zurig, ce 18 de Juin 1640.
Ie vous prie, ayez souvenance des mes affaires particulières, car bientost il faudra que ma femme11 face ses couchées.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 10 Iulii
En in dorso: 18 Iunii 1640. Marin.