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Monsieur,
Vous avez raison de dire qu'on ne peut juger des affaires d'un estat sans sçavoir bien ses loix et prattique du temps passé et si quelques-uns, qui ont escrit en faveur de l'empereur, eussent pris garde à cela, ils n'eussent torqué la parole de vacation, dont on parle in bulla aurea2 et qui est ambiguë à la succession héréditaire, car comme ie vous ay dit, nos loix et constitutions disent le contraire et l'empereur mesme ne le nie pas dans sa préface qu'il a mis devant les nouvelles constitutions de Boïme, disant que les Boïmiens l'ayent perdu par la bataille de Pragues, qu'il avoit gagné sur eux l'an 1620. Mais il a promis tout le contraire aux cattoliques, qui ont aidé à trahir sa liberté et ne s'en souvient plus nous voyant soubs le joug. Nous ne sçavons que trop que le conseil d'Angleterre a desadvoué les actions des Boïmiens, mais certes sans raison, et il ne s'en trouve pourtant mieux; pour la France ie ne m'en estonne point, parce qu'alors le conseil d'Espagne y a prévalu, mais s'il y eust alors un semblable cardinal comme à ceste heure au gouvernement d'iceluy estat ou que la Boïme fust si proche de la France comme l'est Hollande, ie crois qu'on auroit embrassé leur causse aussy bien que celle des Hollandois, qui n'ont pas esté si libres come la Boïmie, qui de tout temps a eu l'élection de leur princes libre et omnia jura majestatis erant penes ordines, quod neque Galli neque Hispani aut Angli habent, car parmy ces peuples il y bien peu de liberté s'extend, non celle, quae est opposita servituti ut erat inter Romanos, sed quae consistit in libertate elegendi novum principem et administrandi regnum aut statum per suffragia ordinum, a quibus praecipua rerum pendent quodque post relligionem maximum mortalium bonum est. I'espère pourtant que la France ne sera pas contraire de remettre la Boïme avec ses pays incorporés comme est la Silésie, Lusace et Moravie en son premier estat, car c'est un des moyens pour abbattre la maison d'Austriche, qui autrement ayant ces pays si riches en son pouvoir absolu et héréditaire, pourra tousiours dominer l'Allemagne selon son bon plaisir et de cela i'ay mandé un gran discours en Suède, qui embrasse nostre liberté.
L'empereur a fait sa proposition à Ratisbonne, qui traitte des moyens pour parvenir à une bonne paix avec les estats et princes d'empire, résister aux ennemys d'iceluy et reddresser une bonne justice tant civile que militaire, ce qui est bien loing d'une paix générale.
Je vous ay escrit tant de fois de l'affaire du Jean de Vert3, dont monsieur Mukel4 me presse et désire sçavoir si on le mènera à Benfeld en échange de nostre monsieur Horn5, vous suppliant de m'en donner un peu d'information aussy bien de ce que i'ay à attendre de monsieur Heuf6 me trouvant en des plus gran difficultez du monde accreues par la maladie de ma femme7, qui continue encor, neque potest habere sua menstrua, sed ejus loco fluor albus ipsam affligit; et si vous sçavez quelque bon médecin en vostre ville, ie désirerois fort avoir son advis sur ce mal, car icy ie fais gran despence sans aucun profit.
Ie voudrois aussy sçavoir le tiltre qu'on donne à nos seigneurs régens8 pour leur pouvoir escrire touchant mes intérests, car il m'est du tout impossible de continuer ma
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charge en telle sorte comme ie fais cum irreparabili rerum conjugis meae dispendio, qui à cause de moy ruine son fait.Je demeure, monsieur,
tout le vostre
C. Marin ms.
De Zurig, ce 17 de 7bre 1640.
Les trouppes de Costance sont encor aux environs d'icelle ville et ne parlent plus d'aller en Alsace voulans remettre cest affaire à l'an qui vient. Don Frédéric d'Enriques9 les commande pour le présent.
Quand les troubles de Boïme commençoyent, ce qui arriva l'an 1618, ie n'estois que de quinze ans et me resiouys que ie suis sorty du pays purement à cause de la conscience, que i'ay d'autant plus nette pour n'avoir trempé en des choses qu'à ceste heure ie cognois mieux qu'alors.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 11. Oct.
En in dorso: 17 Sept. 1640. Marin.