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Monsieur,
Je ne doubte pas que vous ne soyez bien estonné d'apprendre qu'après avoir tourné longtemps de ça et de là en doubte de quel costé je me devoy renger, à la fin je me soy mis au service du roy dans l'armée de son Altesse de Longeville2. Je ne pense pas que - au moins ne veux-je pas l'espérer - que vous en puissiez estre faché, veu l'avantage de la charge au pris de toutes celles qui m'ont esté offertes dans le party de madame la landgrave3.
Il est vray que, comme je vous ay déjà escrit4, j'avoy bien jetté l'oeil sur la cornette de monsieur son fils5, mais voyant qu'on ne faisoit que m'amuser, joint à cela la ruine des troupes et du pay de Hesse, j'ay creu que je feroy mieux de m'asseurer de quelque bon employ dans quelque armée qui ce pût estre, que de me laisser trainer longtemps dans l'incertitude si à la fin je viendroy au bout de ma prétension.
Ce qui me donna la première occasion de choisir ce party fût le bon accueil que me fit son Altesse et monsieur le comte de Guébriant6. Monsieur de Choisy7, qui est intendant de la justice pour le roy en cette armée, est celluy, qui m'a conseillé de prétendre à une compagnie d'infanterie, qui est vaquante depuis deux mois. Elle a esté au lieutenant-colonel du régiment du vicomte de Melun8, qui fût tiré lorsque je fus à l'armée à la rencontre que nous eusmes avec les ennemis. J'en fus doncque parler à son Altesse, qui en tesmoigna beaucoup de contentement, m'asseurant qu'elle estoit bien aise qu'en me faisant du bien elle pourroit tesmoigner le désir qu'il avoit de vous rendre du service. Il se rencontre de bonheur que cette compagnie est encor la plus forte de toutes celles de tout le régiment qui est de vingt compagnies. Monsieur de Choisy m'a dict à ce matin que je me tinsse prest pour m'en aller à l'armée avec luy, afin de me mettre en possession de ma charge, ce qu'ayant fait je fay estat de m'en revenir icy pour me pourveoir de tout ce qui me sera nécessaire, vous suppliant de vouloir mettre ordre que l'on me face avoir de quoy me mettre en équipage.
Les ennemis voyans qu'ils ne pouvoit passer en seureté la rivière de Weser se sont retirés vers le pay de Coulogne pour y prendre leurs quartiers d'hyver. Ils semble que nos armées s'y disposent aussy, les troupes de Hesse s'estant separées du gros pour aller hyverner dans le territoire de Münster. Celles de Banier9 et de son Altesse de Longeville ont la mine de vouloir séjourner quelque temps chez le duc de Lunenburg10.
Hyer au soir ont fit des réjouissances icy pour la naissance du duc d'Anjou11 et les prises d'Arras et Thurin.
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Je prie Dieu, monsieur, qu'il vous conserve en bonne santé.
Vostre très obéissant fils
D. de Groot.
A Cassel, le 7/17 d'Octobre MDCXL.
Adres: A monsieur monsieur l'ambassadeur de Suède, à Paris.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 14 Nov.
En in dorso: 17 Oct. 1640. D. de Groot.