Monsieur,
J'ay bien receu celle qu'il vous a pleu m'escrire du 15 de ce mois, et espere que vous aurais appris de monsieur Dieteric vostre fils puisné,2 revenu de la prison, comme il a pris icy vint et cinq dahle[r]s pour faire son voyage à Paris, à condition de les payer à messieurs Hervart à Lyon,3 qui vous en auront escrit et ausquels j'espere que vous les fairé rendre au plustost afin qu'il ne m'en arrive du mal, ayant autrement assez à faire de trouver de l'argent.
Le cardinal Bichi est revenu à Venise de chez le duc de Parme,4 qui remet ce peu de difficultez qui restent à vuider à l'arbitrage de la ligue, pourveu qu'on luy rende son estat de Castro. On espere pourtant que la paix conclue de part et d'autre se publiera bientost, mais l'ex[e]cution d'icelle ira encor à la longue et cependant peu[ven]t entrevenir des nouveaux obstacles qui la traverseront ou rompront tout à fait, la surprise que tout nouvellement les Barbarins ont tenté de Bondino, Carafolo et d'autres places sur Po5 donnant assez à doubter de la dureté de ceste paix, puisqu'en revange d'un tel affront les Venetiens ont battu vers Francolino6 quelques trouppes du pape et pris le gouverneur du
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fort de Lacoscuro, à ce qu'on en escrit de Venise, où on devient fort jaloux du mariage qui se traitte entre le duc de Mantoue et la princesse d'Orleans.7Le differend des Grisons à cause de temples repris par les protestans8 s'aigrit fort et pour l'assopir on s'assemblera en peu de jours à Coire, où les deputez tant de protestans que de cattoliques suisses comparoistront pour aider chacun à sa faction. On commence à attaquer par force Uberlinghen9 et Rakozy a pris Cachau.10
Je ne reçois pas encore d'argent, demeurant pourtant icy comme l'oiseau en air.
Je demeure, monsieur,
tout le vostre,
C.M. m.p.
De Zurig, ce 27 de Mars 1644.
P.S. Je vous supplie de me mander quand le fils du gran[d] chancelier11 passera par icy vers l'Italie. Tout à ceste heur je vien[s] de recevoir des lettres qui disent que Bichi n'est pas encores retourné de Parme et que pourtant la paix est en doubte et cependant on entreprend l'un sur l'autre de tous costés, ce qui est un mauvais signe de la paix.
Je vous envoye cy-jointes conditions de la paix,12 le[s]quelles si le pape ratifie c'est signe qu'il s'en va mourir bientost, car autrement elles sont fort desadvantageuses aux Barbarins et je doubte fort de leur execution tant qu'on ne rendra Castro reelement.13
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 20 April.
En in dorso: 22 [sic] Mars 1644 Marin.