41
Monsieur,
I'ay receu vostre lettre du 4 courrant2 et vous ayant envoyé desià mon récépissé i'attendray infailliblement le payement de ce que me doit le sieur Heuf3 ou au moins d'une partie; autrement ie vous proteste que ie suis ruiné et d'honneur et de la bourse icy, ayant perdu mon crédit à cause de ce retardement qui fait acroire à mes créanciers que tout ce que ie leur dis depuis tant de temps de mon change ne sont que des songes. Et au surplus ie ioints icy une double quittance qui toutesfois ne servira que pour une, espérant que monsieur Heuf ne prétendra plus d'autres excuses, car s'il veut attendre les descontes ie ne seray sitost payé pouvant arriver qu'elles soyent trop retardés par chemin ou en Suède.
Par cy-iointes lettres de Constantinople vous verrez le principal des nouvelles que i'ay à cest' heur vous priant de les envoyer avec cest' advis allemand en Suède soubs mon couverte, n'ayant peu vous envoyer un' autre copie apart faute de mon escrivain4 qui est estropié et les autres il faut payer bien cher pour la moindre pièce.
Oultre cela nous avons que les Corsaires sont dans la mer avec 47 vaisseaux pour offenser les Vénétiens et que le Turc5 tâche de s'accomoder de la tresve avec le Persan6 pour avoir ses coudes franches contre les chrestiens.
De nos Suisses ie ne me promets rien plus d'ordinaire, la division qui est parmy eux et faute de courage empeschant toute bonne résolution.
L'Espagnol7 a permis que les chefs Grisons rappellassent mille hommes à pied du Milanois pour avec cela garder le Rhin contre le duc Bernard8, dont le peuple est malcontente, sçachant que ce sont autant d'Espagnols, estants levés et payés de leur argent. Leghanes9 est conformé dans son gouvernement de Milan et le Melos10 s'en va pour estre vice-roy de Sicile.
Nous attendons le retour des Suisses de Solaire11, qui nous esclairciron de ce qu'ils y ont conclus.
Ie vous baise les mains et demeure passionnément, monsieur,
Tout le vostre
C. Marini.
De Zurig, ce 10/20 de Jenvier 1639.
Ie n'ay plus d'argent que pour deux sepmaines; si cependant ie n'en reçoy point ie vous proteste que ie ne sçay d'où en prendre.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 26 (?) Feb.
En in dorso: 20 Ian. 1639 Marin.