Monsieur,
Conforme ce que désirez par la vostre du XII courrant2 i'envoye mon paquet soubs la couverte du sieur Heuf3, lequel ie prie dereschef pour quatre ou cinq cent dalers par advance, pour avoir de quoy vivre, pendant que ses descomtes viennent de Suède. Autrement ie ne sçaurois que faire, ayant perdu icy tout mon crédit à cause du retardement de ce change que i'avois publié l'esté passé par toute la ville pour sauver mon honneur et m'aquérir du crédit, et n'ayant rien plus pour engager, sur ma seule parole personne ne se voudra asseurer come qui ay manqué tant de fois de parole. C'est un mauvais traittement certes qu'on me rend pour mes services, qui desià me suis ruiné à cause de ma charge et attiré la haine de tous costés pour la passion que i'ay pour la Suède et le bien public, sans sçavoir quelle récompance i'en emporteray de ceux que ie sers. On devroit certes plustost donner son congé aux honnestes gens que de les laisser croupir en tel deshonneur et misère dans une charge publique et loco tam illustri. Pour un homme de moyen ce seroit difficile manquer de son gage pour deux ans et demy; tant plus à moy qui suis exilé avec ma femme4, et chargé et de famille et des gens que i'entretien pour l'honneur de la couronne. Verbis certe non expresserim, quantis hic premar angustiis, quae sensim et me et conjugem meam conficiunt. Ie ne laisse pourtant de me confier en vostre affection, qui fera tant que au moins ie puisse estre assisté au plustost de quelque portion d'argent que i'atten avec impatiance.
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Les Suisses ont consenti la levée que la France demande hormis Lucern Schviz, Undervald et Zug, qui toutesfois à la fin s'accomoderont aussy, aimant l'argent de France aussy bien que les autres.
Ie ioints5 icy ce peu que i'ay de Rome et d'autres choses vous escriray par l'ordinaire prochain6, l'angoisse de mon esprit me travaillant à cest'heur tant que ie suis du tout inhabile de vous entretenir de ce que ie voudrois.
Le bon Dieu me veille délivrer de ce labyrinthe où ie me trouve, en me donnant le moyen de pouvoir recognoistre un iour utilement la peine qu'il vous plaist prendre à l'endroit de moy, qui cependant demeure passionnément, monsieur,
Vostre serviteur redevable et le plus
devot et affectionné amy
Marini.
De Zurig, ce 17/27 de Jenvier l'an 1639.
L'ordre de Malte a envoyé un ambassadeur7 à Venise pour offrir à icelle république tout son secours possible contre le Turc8.
In margine: Il faudra que vous m'advisez tousiours de la reddition de mes lettres que i'addresseray au sieur Heuf.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 16 febr.
En in dorso: 27 Ian. 1639 Marin.