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Monsieur,
Ie voy par la vostre du 24 du passé2 la peine qu'il vous plait prendre en mon endroict, mais ie suis bien marry que c'est sans fruict jusques à cest'heur; ie veux néantmoins espérer que vous m'obtiendray pour le moins quelque subsidie de monsieur Heuf3 que i'attend chasque sepmaine avec gran impatience estant icy aux extrémités qui me causent des incomoditez et fâcheries certes insupportables et n'eusse iamais creu qu'on me deust traittez de telle façon en me laissant ainsi abbandonné et en deubte jusqu'aux oreilles avec un intérests qui m'emporte chasque mois une notable somme. Dieu m'en veulle délivrer par sa miséricorde car iamais en ma vie n'ay-ie pas esté en telle peine qui m'a causé ma charge et le défaut de mon gage pour trois ans quasiment.
Nous avons icy des gran changements parmy les petis cantons, qui ayans fait par cy-devant de gran bruicts pour le secours de la Bourgogne passent à cest'heur tout soubs silence voyant l'impossibilité de la pouvoir secourir. Mais ils se tournent vers un autre artifice qui leur est suggéré par l'Espagnol4 qui ne pouvant plus envoyer des gens d'Italie, ny ayant besoing de leur passage, pousse les petis cantons qu'ils obligent les protestans de ne le donner point aussy à quel qui ce soit, voulans empêcher par ce moyen le desseing de la France auprès du Lac de Costance ou ès Grisons en cas qu'il les voulust secourir.
La diète générale de Bade est intimée pour le 16 du courrant, où nous verrons plus clair dans leur conseil et ce que cependant resouldront les Grisons assembler à Coire.
En Italie les François ne font encor rien et Santia est assiégée et Cuneo pris.
Ie vous baise les mains et demeure, monsieur,
Vostre serviteur de tout mon coeur
Marini.
De Zurig, ce 6 de Juin 1639.
In dorso schreef Grotius: 6 Juin 1639 Marin.