Monsieur,
I'avois espéré que vostre silence m'auroit apporté quelque meilleur contentement que ie ne voy point par vos lettres du 21 et 28 du passé2, qui contiennent les mesmes espérances qu'on m'a fait il y a un an tantost. Cependant il faut que i'en pâtisse icy, quia meum damnum est in mora, ayant perdu icy tout mon crédit et suffrant des incommodités incroyables pour me nourir honestement avec mes gens. Le temps passe aussy pour user des eaux aigres avec un bain naturel que les
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medecins me conseillent, la faute duquel me fait languir misérablement. Ie n'eusse iamais creu que monsieur Heuf3 fust si cruel et mesfiant, que de ne me vouloir accomoder pour le moins d'une partie, pour pouvoir remédier à mon mal, qui autrement est incurable. Dieu me donne la patience de vaincre tout cela, en me délivrant par quelque honneste moyen d'un tel traittement qui accourcit mes jours et me ruine de la réputation parmy les gens d'icy. Ce qui me fait soulager un peu ce sont vos bons offices qu'il vous plait faire pour moy, espérant que bientost reverrés les effets de si long temps attendus.Ie me resiouis4 aussy du bon succes de général Banier5 en Boïme ma patrie pour y avoir assez à prétendre sur ce qu'y ay abbandonné à cause de la conscience, y ayant des belles ruesteries, fonds boscages et maisons oultre tant de meubles perdus et ravis à ma tranière (?) par la soldatesque impériale, à quoy il seroit raisonable que nos principaux eussent esgard et me traittassent mieux, puisque de plus à cause de ma charge ma femme6 ruine son avoir dans la Voltoline, n'ayant moyen d'y pouvoir tant que l'argent n'est pas icy. Ie crain si dans ce mois ie ne reçoi point de l'argent qu'il faudra que ie me retire d'icy honteusement, car le travail que ie souffre de tous costés m'est insupportable.
Quant aux nouvelles vous le verrez par cy-joincts7 que i'envoye à monsieur Strasburg8, mes afflictions domestiques m'empêchant de vous estaler le reste.
Ie vous baise les mains et demeure, monsieur,
Vostre serviteur redevable
C. Marini.
De Zurig, ce 4/14 de Juillet 1639.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 26 July.
In dorso: Marini 14 July 1639.