Monsieur,
La maladie de monsieur le gran chancelier2 qu'il vous a pleu me mander par la vostre du 23 passé3 m'affligeroit bien grandement, si ie ne me consolois, que telle sorte dem al est plustost signe d'une longue vie qui accompagne d'ordinaire la goutte quand les gens d'aage en sont saisis, encor qu'elle soyent la plus fâcheuse de toutes autres maladies. Ce nonobstant ie veux espérer qu'il se souviendra de nous un jour, quand il en sera un peu soulagé, surtout de moy qui suis le plus esloigné de tous de la Suède et vis parmy une nation qui ne parle que de l'argent et de bon temps. Ie vous fais pourtant des nouvelles instances pour les estrenes que ie voudrois que monsieur Heuf4 m'envoyast, et qui me viendroyent bien à propos. Ie veux espérer que vous tireray de luy pour le moins quelque raisonable portion.
Les Turcs ont excusé à Vienne la dernière excursion dans la Hongrie, qui a esté recevable d'autant que les Hungrois en ont fait autant sur eux et esté les premiers à faire des courses et ravages dans leur territoire. Ceux de Malta se préparent à la défensive, craignant d'estre attaquez l'année qui vient.
Nos Suisses romanistes continuent tousiours leurs insolences contre la France mais le mal est que les protestans n'en considèrent bien la conséquence, ne voulants entendre à aucune défensive commune entre eux, pour ce qu'ils croyent, mais sans raison que les papistes concourrent tousiours avec eux à défendre la liberté de la patrie commune contre quel qui ce soit posthabita religione et que pourtant il ne faloit donner le moindre ombrage à eux de se vouloir séparer d'eux ou leur donner suject de soupçonner mal des protestans le mesme disans aussy les Grisons.
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Mais ie croy qu'à la fin et les uns et les autres en seront trompés quia omne regnum divisum tandem peribit5 et sans mettre en avant la relligion, c'est la seule contrariété des alliances qui leur pourra un iour causer des grans brouilleries dans le pays.L'on dit que les Vinarois ont receu quelque eschec dans le pays de Ringau dont nous attendons plus de certitude de Basle où le résidant d'Angleterre6 est de retour plain de redomontades contre la France et des espérances pour les Vinarois. Sed parturiunt montes et nascitur ridiculus mus7 et par le passé nous jugeons de l'advenir.
Ie vous baise les mains et demeure, monsieur,
tout le vostre
Marini.
De Zurig, ce 5/15 de Xbre 1639.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 29 Dec.
In dorso: 15 Dec. 1639 Marin.