Monsieur,
J'ay receu la vostre du 2 de Mars2, et ne doutant point que vous ne sçachiez
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desià toutes les particularitez de la dernière bataille de monsieur de Veimar3 qui en toutes les circonstances est admirable; ie vous diray seulement que ceux de Reinfelden ne sont pas encor pourtant pour se rendre s'opiniatrant plustost de mourir tous et subir toute sorte de mal que de se rendre à nous. Ils s'appuyent sur un autre secours plus gran que le mareschal Göz4 doit amener et qui joinct avec les forces du duc de Baere5 et de l'evesque de Salzburg6 croit pouvoir faire un corps de 12m hommes, estant à craindre que si cependant nous ne sommes maistres de Reinfelden ce fatal lieu pourra couster beaucoup de testes cassées.On menace les protestans en Suisse de se vouloir vanger de leur connivence et prendre le passage par la Turgovie où on peut trouver des vivres, ce qui pouvroit bien réussir, quand les papistes soubs main y consenteroyent. C'est pourquoy les villes protestantes s'assemblent à Arau pour délibérer à bon heure à leur défensive en cas qu'on les voulast attaquer.
Aux Grisons on appréhende fort l'approche des homes du roy7 qu'ils ont si mechemment trahy, comme vous verrez par cy-joincte8. Mais ie croi que le roy n'y pense plus; aussy auroit-on mieux fait, si on eust piéça employé les despences faites aux Grisons sur les Suédois. Cependant on haste les levées et en Suisse et aux Grisons pour l'Italie où les Espagnols se préparent à un gran desseing pour avec une très puissante armée divertir les François d'autres entreprises en Allemagne.
Si vous avez quelque advis de la reddition de mon paquet du 14 de Xbre passé ie vous prie m'en advertir, estant résolu de partir d'icy en Avril si cependant on ne m'envoye point d'ordre sur mes demandes.
Je demeure, monsieur,
Vostre serviteur
Marin.
De Zurig, ce 8/18 de Mars.
Adres (met andere hand): M.r Grotius.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 31 Marty.
In dorso: 18 Marty 1638 Marin.