Monsieur,
Vos lettres du 5/15 de Mars2 m'ont bien resiouy, mais ne voyant pas jusque à présent aucune bonne union parmy les princes intéressez en ceste guerre, i'ay tousiours suject de craindre du mal, la France estant espuissée des moyens et l'Angleterre se monstrant assez froide pour soustenir le party qu'elle tâche de balancer avec ses forces. I'ay peur qu'à la fin les deux couronnes de Suède et France feront leur paix aux despens de petis, et moyenant que l'Austriche obtienne l'empire sur les Allemans on laissera la Lorraine aux François avec quelque récompance pour le Lorrain et la Poméranie aux Suédois et du reste on sera aisément d'accord. Dieu néantmoins est puissant pour renverser tous ces desseings.
Nos protestans ont tout résolu à la guerre défensive en cas qu'on les attaquast, et pour sonder les intentions des cattoliques on a publié une diète générale pour le premier d'Avril s.v. Les Austrichiens voudroyent avoir le passage par la Suisse pour secourir la Bourgogne et les villes forastières, les Romanistes y estans assez enclins, mais les protestans s'y opposent, et l'affaire est bien embrouillé.
179
En peu de iours nous aurons une puissante armée en nostre voisinage soubs le général Göz3 et si le roy4 ne mande bientost de secours il prendra le Rhin et la Suisse se desfiant de la France fera à la fin des traittez préjudiciables à nous.
Ransau5 a fait une faute bien lourde ayant perdu Hanau, et ceux du duc de Veimar6 d'avoir laissé per ebrietatem custodia échapper le duc de Savelly7 qui est desià en Austriche.
Les Grisons ont octroyé 3m hommes pour le Milanois et autant les Suisses sans ceux d'Allemagne qu'on a levez au pays de Tyrol et ailleurs, pour chasser les François du Monferrat et craint-on que Savoye se déclarera neutrale.
Dieu assiste les siens et vous maintiène en bonne prospérité que vous souhaitte, monsieur,
Vostre serviteur
Marin.
De Zurig, ce 21 de Mars s.v. 1638.
Adres (met andere hand): M.r Grotius.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 14 May.
In dorso: Marini 21 Mars 1638.