Monsieur,
I'ay receu vostre lettre du 5 courrant2 et encor qu'elle ne die rien, si vous avez receu les miennes du 27 de Xbre3 et du 3 du passé4, ie ne veux néantmoins douter de leur reddition.
L'ambassadeur de l'empereur5 ne comparoist pas encor croyant pourtant que pour espargner la despence et pour ne faire point cest honneur aux Suisses il voudra attendre la diète ordinaire.
121
Les Grisons ont envoyé à Milan, demandant la restitution de la Voltoline ou la cassation de leur traittez avec Espagne, dont le premier leur a esté promis dans un mois qui nous faira voir plus clair dans leurs affaires.
Vous sçavez que le duc de Candale6 est mort, et son frère le cardinal de la Valette7 fort malade à Casal.
Le résidant de Gênez Balbi8 a esté confiné dans le chasteau de Milan avec un autre Gênois, ce qui nous fait accroire que leur[s] différends avec les Espagnols se sont plus aigris, eux aussy d'autre part tenant prisonnier le docteur Menea9 et ayant refusé dernièrement une de ses galères au marquis de Gonzaga10 qui par ordre de l'empereur11 devoit passer en Espagne. Ceux de Venise se comportent mieux envers ses ministres, ayant envoyé au devant du prince d'Ekenberg12 leur[s] galères sur lesquelles il est passé magnifiquement d'Ancone à Trieste pour retourner au plustost à Vienne. Leur ambassadeur13 est encor confiné à Constantinople jusques au retour du gran seigneur14 qui prenant Bagdat leur portera la guerre asseurément.
Au reste, monsieur, ie ne sçay à quoy me résoudre, si dans un mois les descontes ne vienent de Suède, vivant icy parmy tant de difficultés qui me pressent de tous costés et voudrois en avoir vostre advis, si en tel cas il me seroit profitable de faire un voyage en Suède pour y cercher les remèdes de mon malheur, estant impossible et à la Suède peu honorable d'entretenir en un lieu si illustre la résidance sans me payer pour le moins chaque demy an ce peu de gage que i'ay demandé. Je ne puis aussy tirer aucune responce à ce que ie sollicite en Suède, ny personne m'advise de la réception de mes lettres come on a fait par le passé. Pleust à Dieu que monsieur le gran chancelier15 vint en Allemagne pour m'accourcir ce chemin fâcheux en Suède ou qu'on m'envoyast l'ordre avec l'argent nécessaire pour mon entretien avant que partir d'icy. I'attendray l'un et l'autre avec patience et me reccomandant à vos bonnes grâces demeure passionément, monsieur,
Vostre serviteur
Marini.
De Zurig, ce 14/24 du Febvrier l'an 1639.
Boven aan de brief schreef Grotius: 9 Martii.
En in dorso: 24 febr. 1639 Marin.