Monsieur,
Il y a quatre points que l'ambassadeur de l'empereur, comte de Hohen Embs2 et les agents d'Espagne, Casate3 et Schevadra4 ont demandé à Lucerne, à sçavoir d'aller au secours de la Bourgogne avec les trouppes impériales, faire casser la levée promise par les protestans à la France et assister l'armée impériale du passage par la Suisse et leur fournir pour argent, vivres et munitions, points tous scabreux, lesquels pour resouldre on les a portez à Bade où lunedy passé tous les cantons se sont assemblez, et en peu de iours nous sçaurons quelle responce on aura donné à l'empereur5 qui veut avoir les Suisses de son costé ou par amour ou par force et divisions entre les cantons.
Cependant une compagnie de 200 hommes est partie d'icy venerdy passé soubs le capitaine Rhon6 et la levée plus grosse dépendra de la paix ou de la guerre en Suisse. Un' autre levée de deux cent hommes a fait le capitaine Salis7 ès Grisons qui par connivence l'ont permis, et l'ambassadeur d'Espagne8 l'a veu passez, par Zurig à son despit, signe évidant que les Grisons sont encor affectionés à la France au dedans, puisque l'Espagne n'y peut lever jusques à cest'heur pas un homme et ceux qui sont au Milanois soubs leurs colonels sont Allemans qu'on a levés ça et là du temps des François dans la Valtoline. Leurs députez9 ne bougent pas encor d'Espagne nonobstant le bruit que le gouverneur de Milan10 en a fait semer come s'ils en fussent partis contans pour tenir les Grisons en suspens et les destourner des résolutions plus héroiques pour le recouvrement de la Voltoline.
L'on nous escrit d'un nouveau soulèvement en Portugal que les Espagnols appréhendent et que le prince Thomas11 est malade à Pavi, madame de Savoye12 luy ayant refusée l'entrée en Piedmont.
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Gran préparatifs se font à Costance et Lindau, ce qui nous fait craindre que les impériaux voudront passer par la Turgovie ou par Coblenz et recourant les villes forastières se ietter en Bourgogne du costé des Bernois. Piccolomini13 est destiné pour la France, qu'on on tâche d'attaquer de divers costés si nostre Banier14 ne les en empêche.
Je suivray vostre conseil que me donnez touchant mon voyage en Suède, mais ie vous prie de repprésenter à monsieur Heuf15 mon estat et que survenant quelque brouillerie en Suisse ie serois bien en peine n'ayant point de l'argent et huict persones m'emportent beaucoup chasque mois, à quoy il faut avoir quelques resgard, en m'accomodant bientost d'un autre partie pour pouvoir attendre le parach[èv]ement de mon change.
Avec le prochain ordinaire i'auray plus de suject pour vous entretenir, en attendant lequel ie prieray le bon Dieu qu'il vous conserve en sa saincte garde et moy en vostre bonne grâce qui suis véritablement, monsieur,
Vostre serviteur
C. Marini.
De Zurig, ce 21 de Mars s.v. l'an 1639.
In dorso schreef Grotius: 21 Martii 1639 Marin.