Monsieur,
Ma fièvre continue m'a travaillé durant dix jours, et ne m'a quitté qu'à cest' heur m'ayant laissé une gran foiblesté. C'est le fruict du traittement qu'on me fait et duquel ie ne voy point de fin.
Ce dernier ordinaire n'a point apporté de vos lettres ce qui me fâche bien, voyant par là le peu d'apparence pour le parachèvement de mon change et de partir d'icy ie ne puis plus, n'ayant ne force ny moyen pour faire un si gran voyage. Les médecins me conseillent de changer d'air au voisinage, mais faute de moyens ie ne le puis et ay honte devant tout le monde qu'on m'abbandonne si vilainement. S'il y a quelque goutte de compassion dans monsieur Heuf2 ie vous supplie de le disposer au plustost au payement de quelque partie pour le moins, si en tout il ne le peut, en ayant si gran besoing que vous, me pouver bien croire considérant que mon gage me demeure en arrière pour trois ans quasiment en rabattant peu de mois.
Pour toutes nouvelles ie vous envoye celles d'Italie en attendant ce que ferons les petis cantons et les impériaux auprès du Rhin, monsieur le duc Bernard3 estant desià à Brisac.
On avoit demandé des Grisons non seulement une levée pour le Milanois, mais aussy un autre régiment pour l'envoyer en Espagne, mais tout leur a esté refusé, dont les Espagnols sont malcontens sçachants néantmoins qu'on a connivé à faire la levée de France.
Leurs ambassadeurs4 sont arrivez à Barcellone, toute leur négociatiation ayant esté remise au gouverneur de Milan5, et pour la religion on n'en parle mesme, ce qui est tant mieux pour avoir de quoy prendre occasion de renoncer à l'amitié d'Espagne.
Nostre Banier6 est en vie nonobstant le bruict contraire de sa mort. Il a néantmoins receu un peu d'eschec auprès de Friberg qu'on a quitté pour n'y perdre trop de gens.
Ie vous baise les mains et demeure passionnément, monsieur,
Vostre serviteur très humble
C. Marini.
De Zurig, ce XI/XXI d'Avril l'an 1639.
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Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 4 May.
In dorso: 21 April 1639 Marin.