Monsieur,
J'ay receu vostre très aggréable du 2/12 courrant2 qui m'a fort resiouy et resiouira encor plus quand ie verray le parachèvement de mon change que i'atten avec gran impatience en ayant si gran besoing en ceste conjoncture qui me presse de tous costés. En payant mes deutes il m'en restera bien peu et sans cela on me doit plus que pour un an entier. Toutesfois sçachant que l'argent est fort chair à cest'heur, il faut que ie m'en accomode tant qu'il me sera possible, en espérant que les affaires de Suède allant à souhait, les miennes prospéreront aussy et qu'à son temps on recognoistra mes fidèles services.
Nous attendons ce que3 résoudront les petis cantons pour le secours de la Bourgogne auquel ils sont obligez et par où voudront passer les impériaux, puisque les protestans ne leur veulent donner passage conforme leur désir.
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On tient que la guerre entre l'Angleterre et Escosse est declarée et que la France envoye à celle-cy4 secours des gens et la Suède des armes, dont ie voudrois estre un peu esclaircy.
Par cy-ioinctes5 verrez ce qui se passe en Italie, où madame de Savoye6 a besoin d'un puissant secours; autrement elle sera chassée avec les François de Piedmont.
Les députez Grisons7 ayant traitté un peu à moins que deux ans en Espagne sans conclurre, doivent reprendre leur traittés à Milan, où sans doute le marquis de Leghanes8 les voudra amuser par des nouvelles inventions, qui à la fin feront résoudre la faction de France à rompre tous ces traittés, conforme ce que les amys m'en donnent espérance. De crainte de cecy les Espagnols forment des nouveaux régimens soubs le comte Biglia9 pour les loger proche de la Valtoline en cas que les Grisons y voulassent entrer par force come ils menacent ou que les François y rentrassent ce que i'ay souhaitté à cause de ma femme10, mais en meilleure façon que par le passé, car ce seroit de nous ruiner tout à fait.
Si vous sçavez quelque chose d'asseuré du retour de monsieur le gran chancelier11 en Allemagne come on en parle ie vous supplie de m'en faire part.
On parle d'un combat entre Banier12 et Marazin13 et que Demin s'est rendu à nous come aussy la citadelle de Hall. Dieu benie d'advantage les glorieuses armes de Suède qui après Dieu sont le seul soustien des affligez et la barre forte qui traverse les desseings de l'Austriche monarchiques.
Pour fin ie vous baise les mains et demeure passionnément, monsieur,
Vostre serviteur
C.M.
De Zurig, ce 18/28 d'Avril l'an 1639.
Boven aan de brief schreef Grotius: Rec. 12 May.
In dorso: 28 April 1639 Marini.